Selon la police, 10 personnes ont été tuées --cinq dans la ville d'Onitsha, dans l'Etat d'Anambra, et cinq dans la ville d'Asaba, dans l'Etat voisin de Delta, dans le sud-est du Nigeria -- au cours de violences liées à ces commémorations, lundi 30 mai.
Le mouvement Peuple indigène du Biafra (IPOB), un groupe indépendantiste à l'origine de ces commémorations, soutient de son côté qu'au moins 35 de ses membres ont été tués à Onitsha.
Au cours de visites dans des hôpitaux et des morgues, Amnesty a établi un bilan de 17 morts et 50 blessés à Onitsha, mais "le chiffre réel est sans doute plus important", prévient l'organisation de défense des droits de l'homme dans un communiqué.
Certains des morts et des blessés ont été atteints par balle dans le dos, ce qui semble indiquer qu'ils étaient en train de fuir quand ils ont été touchés, précise Amnesty.
"Ouvrir le feu sur des sympathisants de l'IPOB qui ne représentaient une menace pour personne est un usage scandaleux, excessif et inutile de la force", a estimé le directeur d'Amnesty pour le Nigeria, MK Ibrahim.
Une personne a même été tuée dans son sommeil, a-t-il ajouté.
L'IPOB a organisé de nombreuses manifestations à travers le sud-est du Nigeria depuis l'arrestation de son chef, Nnamdi Kanu, en octobre, pour "trahison". Il est toujours en détention, dans l'attente d'un procès.
Lors des manifestations organisées le 30 mai, les sympathisants de l'IPOB célébraient le 49e anniversaire de la déclaration d'indépendance du Biafra, qui a conduit à cette guerre dans laquelle près d'un million de personnes ont péri en trois ans.
Amnesty dit avoir parlé à 32 témoins oculaires à Onitsha. L'organisation dit n'avoir recueilli "aucun indice" que les forces de l'ordre aient agi en état de légitime défense.
La police avait pourtant affirmé qu'elle avait ouvert le feu en réponse à des coups de feu tirés par des membres de l'IPOB et que deux policiers avaient été tués à Asaba.
"Amnesty International n'est pas en mesure de confirmer cette version. Et même si c'était le cas, de tels faits ne prouveraient pas que l'armée a agi en légitime défense", dit le communiqué.
L'IPOB soutient de son côté que les manifestants n'étaient pas armés. Et l'un des témoins interrogés par Amnesty déclare avoir jeté des cailloux à la police et à l'armée, qui ont riposté en projetant des gaz lacrymogènes avant de faire usage de balles réelles.
Un autre témoin affirme que l'armée a pris d'assaut une église dans laquelle les manifestants dormaient la nuit d'avant la marche et a utilisé du gaz lacrymogène. Et un homme déclare avoir vu un jeune garçon tué par balle alors qu'il avait les mains en l'air.
Le rapport d'Amnesty fait écho aux accusations de l'IPOB contre les forces de l'ordre lors de précédentes manifestations, entre novembre et février.
Des membres de l'IPOB ont affirmé à l'AFP le mois dernier que des manifestants avaient été tués et jetés dans des fosses communes, et que d'autres avaient disparu.
Les forces de l'ordre ont aussi été accusées d'avoir voulu dissimuler un charnier et d'avoir gardé des gens au secret dans la ville de Zaria, dans le nord du Nigeria, où la répression d'une manifestation de la communauté chiite aurait fait au moins 350 morts il y a quelques mois.
L'armée nigériane est souvent montrée du doigt pour ses excès de violence, notamment dans le conflit contre les djihadistes de Boko Haram.
Selon M. Ibrahim, "ce n'est pas la première fois que des sympathisants de l'IPOB sont tués par l'armée".
"Il s'agit d'un schéma préoccupant, et ces événements et d'autres doivent immédiatement faire l'objet d'investigations", a-t-il déclaré.
Avec AFP