Venezuela: Maduro crie victoire, l'opposition appelle à manifester

Nicolas Maduro vote à Caracas, Venezuela, le 30 juillet 2017. (Miraflores Palace/Handout via REUTERS)

Le président du Venezuela Nicolas Maduro a crié victoire lundi au lendemain de l'élection d'une toute puissante Assemblée constituante, critiquée à l'étranger et rejetée par l'opposition qui a appelé à de nouvelles manifestations.

Le scrutin, boycotté par l'opposition pour laquelle il ne vise qu'à prolonger le pouvoir de M. Maduro dont le mandat s'achève en 2019, a été marqué par des violences qui ont fait dix morts, portant à plus de 120 le nombre total de personnes tuées en quatre mois de manifestations anti-gouvernementales.

La Constituante de 545 membres, qui doit siéger dès mercredi et diriger le pays pour une durée indéterminée, pourra dissoudre le Parlement actuel dominé par l'opposition et rédiger une nouvelle Constitution remplaçant celle promulguée en 1999 par le défunt président Hugo Chavez.

Son élection a été accueillie par de nouveaux appels de l'opposition à manifester dès lundi, ainsi que des condamnations internationales et la menace de nouvelles sanctions américaines.

Vêtu de rouge, le poing brandi et le sourire aux lèvres, le président socialiste a célébré devant ses partisans sur la place Bolivar au centre de Caracas ce qu'il a qualifié de "plus grand vote de la révolution bolivarienne depuis 18 ans".

"Le moment d'une nouvelle histoire est arrivé", a-t-il lancé. Son épouse Cilia Flores, son bras droit Diosdado Cabello et plusieurs de ses fidèles font partie des élus de la nouvelle Constituante.

La participation a atteint 41,5%, soit plus de 8 millions de Vénézuéliens, selon le Conseil national électoral (CNE).

Sur un ton de défi face aux condamnations internationales --"on s'en fiche de ce que dit Trump! Ce qui nous importe c'est ce que dit le peuple du Venezuela!"-- M. Maduro a souhaité que la Constituante lève l'immunité des parlementaires de l'opposition pour qu'ils soient jugés.

- 'Il faut mettre l'ordre' -

"Cela suffit avec le sabotage de l'Assemblée nationale, il faut mettre de l'ordre", a-t-il dit, menaçant également de "prendre le mandat" de Procureur général dont la titulaire actuelle Luisa Ortega, chaviste de longue date, a rompu avec le gouvernement pour en devenir un des principaux adversaires.

Dimanche, alors que les bureaux de vote étaient surveillés par l'armée, opposants et forces de l'ordre se sont affrontés à Caracas et dans d'autres villes lors de batailles rangées à coups de balles en caoutchouc ou gaz lacrymogènes contre jets de pierre et cocktails Molotov.

Dès dimanche soir, les adversaires du régime chaviste ont appelé à manifester à nouveau lundi et mercredi contre cette Assemblée qui selon eux ne va servir qu'à renforcer les pouvoirs du chef de l'Etat et le maintenir en place.

"Nous ne reconnaissons pas ce processus frauduleux, pour nous il est nul, il n'existe pas", a déclaré l'un des chefs de l'opposition Henrique Capriles, en dénonçant un "massacre" et une "fraude".

Le Département d'Etat américain a dénoncé le scrutin, estimant que la Constituante vise à "saper le droit du peuple vénézuélien à l'auto-détermination" et menaçant de nouvelles sanctions américaines "fortes et rapides".

Washington a déjà infligé des sanctions financières à 13 anciens et actuels responsables gouvernementaux vénézuéliens.

- Condamnations internationales -

Outre les Etats-Unis, la Colombie, le Panama, le Pérou, l'Argentine et le Costa Rica ont annoncé qu'ils ne reconnaîtraient pas la Constituante.

Le Brésil a appelé les autorités vénézuéliennes à suspendre l'installation de la Constituante.

Lundi, l'Espagne a également annoncé qu'elle "ne pourra reconnaître ni accorder de la validité aux actes juridiques émanant de cette Assemblée constituante".

Des "moyens additionnels" de promouvoir la démocratie au Venezuela seront étudiés avec d'autres pays de l'Union européenne, ajoute un communiqué du ministère espagnol des Relations extérieures, estimant que la Constituante "ne représente pas la volonté majoritaire des Vénézuéliens" et n'apporte pas de solution aux difficultés du pays.

Cette assemblée "nait dans un bain de sang. Elle nait illégitime parce qu'il est très difficile de déterminer le nombre de votants, mais techniquement nous pouvons vérifier qu'il y a eu de nombreuses irrégularités", a affirmé l'analyste Nicmer Evans, socialiste critique de M. Maduro.

Le pays est au bord de l'effondrement économique et 80% des Vénézuéliens désapprouvent la gestion du président, selon l'institut de sondages Datanalisis.

Pour le chef du Parlement, Julio Borges, "le gouvernement ne fait que creuser sa propre tombe".

Avec AFP