Génocide en Namibie: la procédure contre l'Allemagne rejetée à New York

Esther Utjiua Muinjangue, à gauche, présidente de la Fondation du génocide d'Ovaherero en Namibie, et les membres de la délégation namibienne posent devant le ministère de la Justice de Berlin lors d'une réception en marge d'une restitution officielle des

Un tribunal fédéral de New York a rejeté la procédure en réparation pour génocide intentée contre l'Allemagne par les tribus herero et nama, originaires de Namibie, qui ont aussitôt annoncé leur intention de faire appel.

Dans un jugement de 23 pages très argumenté daté de mercredi, la juge Laura Taylor Swain a estimé que le principe d'immunité d'un Etat souverain bénéficiait bien à l'Allemagne, rendant la procédure irrecevable.

Les deux tribus demandaient réparation pour les persécutions intervenues à l'époque de l'Afrique du Sud-Ouest (1884-1915), un territoire allemand devenu depuis la Namibie.

Des dizaines de milliers d'Hereros et quelque 10.000 Namas ont été tués entre 1904 et 1908 après s'être rebellés contre les Allemands, qui les avaient soumis à un régime de privations et de spoliations.

L'Allemagne, qui a officiellement reconnu ces exactions, négocie depuis des mois avec la Namibie un accord qui pourrait contenir des excuses officielles et la promesse d'aides au développement en guise de dédommagement.

Mais Hereros et Namas, qui n'ont pas été invités à ces discussions, avaient saisi la justice civile américaine pour obtenir directement de l'Allemagne des dommages et intérêts.

Ils faisaient valoir que deux des trois exceptions prévues au principe d'immunité d'un Etat souverain s'appliquaient en l'espèce.

D'une part, l'Allemagne possède quatre bâtiments à New York, qui ont été acquis avec des fonds publics, or l'essentiel du produit des spoliations des tribus est allé à l'Etat allemand.

D'autre part, selon le jugement, la veuve d'un anthropologue allemand a vendu, après sa mort en 1924, une série d'ossements de victimes du génocide au musée d'histoire naturelle de New York.

La juge Swain a considéré que, dans les deux cas, les arguments avancés par les tribus ne démontraient pas suffisamment l'existence d'une activité commerciale, condition nécessaire à ce que l'exception soit recevable.

Jeudi, le chef des Hereros, Vekuii Rukoro, a estimé "décevant le jugement", tant pour son peuple que pour "toutes les nations du monde qui défendent la justice pour tous".

La juge Swain "a commis des erreurs fondamentales" dans son analyse, a-t-il ajouté annonçant qu'il allait faire appel.

"Nous avons une cause juste", a-t-il insisté appelant son peuple au "calme" et conseillant à "ceux qui célèbrent une victoire de courte durée de se calmer". "Nous avons juste rencontré des difficultés sur la route du succès", a-t-il assuré.

Sollicité par l'AFP, l'avocat qui défendait les représentants des deux tribus, Kenneth McCallion, a indiqué qu'il se rendrait "fin mars en Namibie pour discuter" de la "stratégie à venir".