Le Kenya se demandait mardi quelle tournure allaient prendre les évènements au lendemain de l'annonce de la victoire de William Ruto à la présidentielle, qui a déclenché lundi soir des manifestations violentes mais localisées.
Six jours après l'élection du 9 août, marqués par le calme malgré une impatience grandissante, le vice-président sortant Ruto a été déclaré vainqueur avec 50,49% des voix contre 48,85% pour son principal rival, Raila Odinga, par une Commission électorale secouée de divisions internes.
"C'est Ruto!", affirmait mardi matin le quotidien People Daily, tandis que le Standard titrait "Ruto le 5e", le leader kalenjin devenant le cinquième président depuis l'indépendance en 1963.
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Tous les yeux sont maintenant tournés vers Odinga, vétéran de l'opposition désormais soutenu par le pouvoir, qui, à 77 ans, concourait pour la cinquième fois. "Le mystérieux", comme on le surnomme dans sa communauté luo, est resté invisible et muet lundi, tandis que ses partisans laissaient éclater leur déception après l'annonce.
Des manifestations ont secoué lundi soir plusieurs quartiers populaires de Nairobi, comme Mathare et Kibera, des bastions du vieux leader. Le calme y était revenu mardi matin, mais les rues restaient souvent vides et les boutiques fermées.
"La vie doit reprendre son cours normal. Les politiciens ne devraient pas faire que la vie s'arrête", a déclaré Bernard Isedia, 32 ans, électeur d'Odinga et chauffeur de taxi à Nairobi, marquée depuis une semaine par une chute drastique de l'activité.
A Kisumu (ouest), autre bastion d'Odinga, la colère a pris la forme de barricades, des magasins ont été pillés et la police a usé de gaz lacrymogènes pour disperser la foule. De même, le calme était revenu mardi, vendeurs de rue et motos-taxis reprenant leur activité malgré les décombres jonchant certaines artères.
Ruto, 55 ans, qui tenait dans cette élection le rôle de challenger, a assuré qu'il travaillerait avec "tous les leaders" politiques, promettant un pays "transparent, ouvert et démocratique".
S'abstenir de toute violence"
La campagne a notamment été dominée par la flambée du coût de la vie, la locomotive économique d'Afrique de l'Est étant durement touchée par les effets de la pandémie et de la guerre en Ukraine.
Ruto avait fait du pouvoir d'achat son cheval de bataille, promettant des emplois quand trois personnes sur dix vivent dans l'extrême pauvreté.
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Plusieurs pays voisins, dont l'Ethiopie et la Somalie, ont félicité le président élu de ce pays considéré comme un poids-lourd démocratique régional, bien que son histoire ait été plusieurs fois marquée par des contestations et des violences post-électorales.
"Nous sommes impatients de continuer à travailler aux côtés de nos frères et soeurs au Kenya, pour renforcer nos liens historiquement forts", a déclaré la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan, en lançant : "Tuko Pamoja" - "Nous sommes ensemble" en swahili, la langue commune aux deux pays.
De son côté, l'ambassade des Etats-Unis au Kenya a félicité "le peuple kényan" pour le déroulé de ces élections où 22,1 millions d'électeurs devaient également choisir leurs parlementaires et leurs élus locaux. L'IEBC doit annoncer les résultats complets de ces scrutins mardi.
Le faible écart de voix (environ 233.000) laisse présager une contestation en justice des résultats par Odinga, comme il l'avait fait en 2017.
Sur fond de manifestations et de dizaines de décès liés à la répression policière, la Cour suprême avait alors invalidé la présidentielle, faisant peser la responsabilité "des irrégularités" constatées sur l'IEBC.
En 2007, une élection elle aussi très serrée (environ 200.000 voix), Odinga avait également refusé le résultat, ce qui avait déclenché la pire crise post-électorale de l'histoire du pays, tuant plus de 1.100 personnes dans des affrontements interethniques.
La Commission indépendante, bien que saluée par les observateurs pour sa gestion le jour du scrutin, se trouve cette année encore sous le feu des projecteurs.
Un coup de théâtre est venu semer le trouble lundi. Quelques minutes avant que son président n'annonce les résultats, quatre de ses sept membres s'en sont désolidarisés, rejetant un processus au "caractère opaque".
Le camp Odinga a sept jours pour déposer un recours devant la Cour suprême, qui disposerait ensuite de deux semaines pour rendre sa décision. Dans le cas contraire, William Ruto prendra ses fonctions dans les deux semaines à venir.
"Attendez-vous à beaucoup de controverses. Attendez-vous à un recours en justice. Attendez-vous à ce que cela dure et dure" encore, a affirmé sur Twitter Nic Cheeseman, professeur à l'université de Birmingham (Royaume-Uni) et fin connaisseur du Kenya.