Au Soudan du Sud, un premier contingent de combattants rivaux intègrent les forces unifiées

Des soldats stagiaires pour une nouvelle armée unifiée lèvent les mains jointes alors qu'ils assistent à un programme de réconciliation organisé par la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) dans une caserne de fortune à Mapel, le 31 janvier 2020.

Un premier contingent de près de 22.000 combattants de factions rivales de la guerre civile au Soudan du Sud ont intégré mardi les nouvelles armée et police du pays, un pas important dans l'application de l'accord de paix de 2018.

Cette "unification des forces" loyales au président Salva Kiir et à son rival, le vice-président Riek Machar, est une des principales dispositions de l'accord de paix signé en février 2018 pour mettre fin à cinq ans d'une sanglante guerre civile qui a fait près de 400.000 morts et des millions de déplacés.

Elle ne s'était jusqu'à présent jamais concrétisée, les camps de Kiir et Machar ne parvenant pas à s'entendre sur la répartition des postes au sein du commandement de ces forces. Un accord avait finalement été trouvé en avril.

Lors d'une cérémonie organisée mardi dans la capitale Juba, 21.973 hommes et femmes issus des forces loyales à Kiir et Machar mais aussi du mouvement de l'Alliance de l'opposition du Soudan du Sud (SSOA) ont prêté serment.

Ils rejoindront ensuite les rangs de l'armée, de la police et d'autres corps (services de sécurité, services pénitentiaires, de protection de la nature...).

Plus de 30.000 autres ayant terminé leur entraînement ailleurs dans le pays doivent également être intégrés dans les jours à venir.

Leurs inquiétudes ont redoublé après l'annonce le 4 août par le gouvernement d'union nationale - en place depuis février 2020 avec Salva Kiir au poste de président et Riek Machar à celui de vice-président - qu'il prolongeait de deux ans son mandat, qui devait s'achever en décembre par des élections.

"Impatient de servir"

La cérémonie s'est tenue sous haute sécurité en présence de représentants de pays voisins, dont les dirigeants ougandais Yoweri Museveni et soudanais Abdel Fattah al-Burhane, et de diplomates.

Beaucoup de nouveaux diplômés portaient des matraques au lieu d'armes à feu, en raison d'un embargo sur les armes imposé depuis 2018 par le Conseil de sécurité de l'ONU.

L'ONU a dénoncé à plusieurs reprises l'attitude des dirigeants du Soudan du Sud, qu'elle accuse d'attiser les violences, de réprimer les libertés politiques et de détourner les fonds publics.

Mi-juillet, les États-Unis se sont retirés de deux organisations de surveillance du processus de paix en raison de l'"absence de progrès" dans le processus de transition et du "manque de volonté politique" de ses dirigeants pour ramener la paix dans le pays.

L'ajout de ces dizaines de milliers de troupes à la masse salariale à la charge du gouvernement constituera un défi supplémentaire pour les finances du pays, où les fonctionnaires ne sont plus payés depuis des mois.

Mais cela ne douchait pas mardi l'enthousiasme de l'un des tout frais diplômés, ravi de rejoindre les forces de police.

"Je suis impatient de servir mon peuple. Je veux juste dire à notre peuple que la paix est enfin arrivée après une longue lutte", a déclaré à l'AFP cet homme, qui s'est identifié sous le nom de John, invoquant des raisons de sécurité.

Crise alimentaire

De nombreuses dispositions de l'accord de 2018 - comme la rédaction d'une constitution, une réforme de la gestion des finances publiques et l'instauration d'institutions judiciaires - restent à réaliser.

Le pays fait également face à d'énormes difficultés économiques.

Malgré ses ressources pétrolières, le Soudan du Sud est parmi les plus pauvres au monde, durement frappé par une inflation galopante et une crise alimentaire.

Près de neuf millions d'habitants, sur une population de plus de 11 millions, vont avoir besoin d'une aide internationale cette année en raison de la crise alimentaire mais aussi du regain de violences, selon l'ONU.

Faute de fonds suffisants, le Programme alimentaire mondial a annoncé en juin avoir été forcé de suspendre la distribution de nourriture à 1,7 million de personnes depuis le mois d'avril.