Adoptée vendredi soir avec 87 voix sur 87 à l'Assemblée, la nouvelle Constitution fait basculer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire et acte la disparition de l'élection du président de la République au suffrage direct. Elle crée aussi la fonction de "Président du Conseil des ministres" qui concentre tous les pouvoirs.
La magistrature suprême est, selon les termes de la nouvelle Constitution, vidée de sa substance puisque le nouveau président est privé de toute prérogative. Ce sont les députés qui éliront le chef de l’Etat "sans débat" et "pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois".
Le véritable exercice du pouvoir résidera entre les mains du Président du conseil des ministres, une sorte de super-Premier ministre, qui sera obligatoirement "le chef du parti majoritaire" à l’Assemblée nationale.
Lire aussi : Réforme constitutionnelle au Togo: les députés tentent d'apaiser les tensions"Le Togo vient d'ouvrir une nouvelle page pour sa marche vers une démocratie plus inclusive et participative", s'est réjouie auprès de la presse Kouméalo Anaté, députée du parti majoritaire à l'Assemblée, l’Union pour la République (UNIR), après le vote. Aujourd’hui, le président Faure Gnassingbé est le président d'UNIR.
L’opposition voit donc dans cette nouvelle fonction une manœuvre de Faure Gnassingbé pour se maintenir au pouvoir, lui qui a pris la tête de l’Etat en 2005 à la suite de son père resté près de 38 ans aux manettes du pays. Pour Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (PT, opposition), Faure Gnassingbé "a démontré que la préoccupation majeure de son régime est de conserver le pouvoir vaille que vaille".
Avec la nouvelle Constitution, "c'est la fonction de président du Conseil qui donne la latitude à quelqu'un d’exercer le pouvoir de manière illimitée et donc, logiquement, on en déduit que c'est le poste qu'il se réserve", a-t-il expliqué à l'AFP.
Lire aussi : Libération de six opposants togolais incarcérés à LoméLe chef de l'Etat avait déjà réaménagé la Constitution en 2019 lui permettant de remettre les compteurs à zéro et de briguer deux nouveaux mandats supplémentaires, en 2020 et 2025. Mais il aurait été forcé de quitter le pouvoir en 2030.
Les députés togolais avaient déjà adopté la nouvelle Constitution le 25 mars, après quelques heures de débat et sans que le texte soit rendu public, ce qui avait immédiatement déclenché un tollé parmi l’opposition mais aussi la société civile, qui ont rapidement qualifié ce vote de "coup d’Etat institutionnel". Pour entrer en vigueur, la nouvelle Constitution doit passer la formalité d'être promulguée par Faure Gnassingbé.
Législatives sous tension
Ce changement constitutionnel passe d’autant plus mal qu’il intervient à quelques jours des élections législatives, initialement prévues le 20 avril, mais finalement décalées au 29 pour donner le temps aux députés de procéder à un nouveau vote du texte, ainsi que l'avait demandé le chef de l’Etat. Le même jour auront également lieu les premières élections régionales du pays.
Lire aussi : La Cedeao envoie au Togo une délégation dans un contexte de vives tensionsContrairement au dernier scrutin législatif de 2018 qu'elle avait boycotté, l'opposition a décidé de se mobiliser massivement cette année. Elle avait prévu deux journées de manifestations les 12 et 13 avril, mais elles ont été interdites par les autorités et les membres de l'opposition ont été empêchés de se réunir.
Dans une région troublée par les coups d’Etat (Mali, Burkina Faso, Niger, Guinée) et les crises politiques (Sénégal), la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a dépêché lundi une mission à Lomé. L'institution régionale avait dans un premier temps mentionné "le contexte crucial" au Togo et la "gravité des réformes constitutionnelles controversées".
Avant de faire volte-face le lendemain en expliquant dans un communiqué qu'elle y effectue "une évaluation préélectorale" et "ne s'engagera dans aucun autre processus comme indiqué dans un communiqué antérieur".