Inquiétude dans la presse tchadienne après de nouvelles restrictions à l’approche des élections

Abdemaran Barka Doningar, le président de la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel du Tchad.

La Haute autorité des médias et de l’audiovisuel du Tchad dit vouloir assainir le secteur de la presse. Elle a suspendu un hebdomadaire pour trois mois, ainsi que deux de ses journalistes. La Hama rappelle aussi que les médias électroniques doivent se conformer à la loi, ce qui suscite des inquiétudes.

Selon la Hama, plusieurs promoteurs et responsables des médias électroniques ne respectent pas leurs obligations légales. Ils diffusent des vidéos sur leurs plateformes alors qu’ils n’en ont pas l’autorisation.

Abderaman Barka Doningar, président de la HAMA, a annoncé que des directives pour la création et l’exploitation d’une web TV ou d’une web radio sont désormais disponibles. Il précise que toute personne physique ou morale tchadienne peut détenir jusqu’à trois médias simultanément. Il appelle également les responsables des médias audiovisuels privés dont les autorisations ont expiré à se rapprocher de l’institution pour les renouveler, sous peine de sanctions en cas de non-respect des dispositions légales.

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"Toutes ces mesures visent à maintenir un environnement médiatique sain au Tchad, avec pour objectif que le journalisme reste une profession digne et exercée avec fierté, dans un monde où chacun peut s'autoproclamer journaliste", a déclaré le président de la Hama.

Peu avant cette déclaration, la Hama a suspendu l'hebdomadaire Le Visionnaire pour une durée de trois mois pour manquements professionnels, ainsi que deux de ses journalistes pour défaut de qualification. Ces décisions ont été perçues comme antidémocratiques par certains acteurs du secteur.

"Nous vivons dans un monde de NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication), les médias en ligne sont censés diffuser les broadcastings, donc ce n’est pas de cette manière que la Hama devrait assainir le milieu", regrette Allafi Amadou Nganasou, directeur de la radio Espoir. "Suspendre des journaux de cette manière laisse penser qu'il y a une intention cachée derrière, c’est une tentative pour museler la presse libre."

Freeman Sandjimbeye, journaliste à l’hebdomadaire Le Temps.

De son côté, Freeman Sandjimbeye, journaliste pour Le Temps, estime que si la sanction peut avoir une vertu éducative, l'excès de répression est contre-productif. "Suspendre un journal pour trois mois, alors qu'il vient de sortir d'une mise en demeure, et sanctionner des journalistes parce qu’ils n’ont pas la carte professionnelle délivrée par la Hama ressemble à une tentative de réprimer la presse", estime-t-il.

Djimet Wiché vice-président de l’association des médias en ligne au Tchad.

Le rappel à l'ordre de la Hama et la suspension du Visionnaire et deux de ses journalistes ne font pas non plus l’unanimité parmi les médias électroniques. Djmet Wiché, vice-président de l’association des médias en ligne au Tchad, a dénoncé cette décision qu'il considère comme une tentative d’intimidation politique sans fondement juridique : "Il s’agit de fuite en avant pour contrecarrer toute la presse privée indépendante qui donne des informations de qualité", assure-t-il. Djmet Wiché considère que les médias électroniques ne doivent pas respecter cette décision : "Ils vont continuer à travailler, car la loi les autorise à diffuser le contenu audiovisuel."

Il a également condamné la suspension du Visionnaire, estimant qu’une suspension de trois mois pourrait causer la disparition du journal en raison de la perte de lecteurs et de partenaires financiers.

Réunies en urgence ce jeudi, les organisations professionnelles des médias tchadiens se réservent le droit d’explorer toutes les voies légales pour défendre la liberté de la presse si la Hama ne revient pas sur sa décision.