Il est un peu plus de 19 heures au rond-point de jet d’eau de l’avenue Bourguiba, l’une des principales artères de Dakar, la capitale sénégalaise. Les voitures circulent difficilement à cause des embouteillages et chacun essaie de se faufiler car l’heure de la rupture du jeûne est imminente. Comme chaque jour à cette heure, des dizaines de jeunes distribuent des mets aux riverains, aux passants, aux conducteurs et passagers des véhicules particuliers et de transports en commun pour qu’ils puissent rompre le jeûne en attendant d’arriver chez eux.
La particularité de cette action de solidarité qui se déroule depuis l’année dernière à Dakar est qu’elle est à l’initiative de fidèles chrétiens qui ont voulu marquer leur attachement à la cohésion sociale.
"C’est une grande symbolique pour montrer qu’on est un et qu’on est indivisible. Que le Sénégal, malgré que nous soyons musulmans et chrétiens, nous vivons des relations entre communautés qui sont extraordinaires et qui sont un exemple dont nous sommes fiers", affirme Nina Penda Faye, membre de la communauté chrétienne du Sénégal.
Ecoutez le reportage A Dakar, un Ramadan sous le signe de la solidaritéAvec le chevauchement du Ramadan et du Carême cette année, les fidèles musulmans et chrétiens pensent qu’il était importants d’en profiter pour lancer un message fort à l’ensemble du peuple sénégalais, comme l’affirme Amy Ly, Collectif des jeunes chrétiens et musulmans. "On espère que cette initiative va nous permettre de raffermir les liens, de prôner le dialogue islamo-chrétien et surtout de tout faire pour que la cohésion sociale soit respectée au Sénégal", dit-elle.
Ce genre d’initiatives est devenu une tradition durant le mois de Ramadan. A l’université Cheikh Anta de Diop de Dakar, des pensionnaires de la faculté de droit le font depuis plus de 8 ans pour pallier les difficultés des étudiants à se payer un bon repas.
Regroupés au sein de l’association religieuse dénommée Dahira Nourou Dareyni Touba Fac Droit, Mouhamadou Bamba Ndiaye et ses camarades indiquent qu’aider c’est avant tout une question de foi.
"Nous avions pris l’initiative d’aider ces étudiants tout en nous inspirant d’un commandement divin qui nous enseigne en tant que musulman d’aider son prochain, de lui fournir ce dont il manque", explique-t-il.
Sans photos ni vidéos
D’autres utilisent leur notoriété au service de la communauté. Le célèbre influenceur Mamadou Diakhaté dit Nintché a ainsi mis entre parenthèses ses activités bénévoles de réfection des salles classe pour se consacrer aux repas de la solidarité.
"C’est des repas que nous faisons pour des personnes qui ont la particularité de dormir dans la rue. On s’est dit pourquoi pas ne pas vraiment partager nos repas avec ces personnes pendant cette période de partage qu’est le mois béni de Ramadan? Nous essayons de soulager ces gens en leur offrant au moins un repas la nuit tout en essayant de préserver leur dignité", confie-t-il.
Préserver la dignité des bénéficiaires en ne prenant ni photos ni vidéos pendant les distributions. Une décision qui impacte négativement sur les dons, selon Nintché.
"Vu le contexte dans lequel nous sommes au Sénégal, quand tu fais quelque chose dans l’anonymat peut-être beaucoup de personnes ne croient pas en ces repas. Voir des photos de plats, après dire qu’on a distribué et qu’aucune photos ne sera prise c’est un peu difficile et aussi il y a ce problème de levée de fonds sur internet qui ne marche presque plus", regrette-t-il.
Malgré les difficultés rencontrées dans la collecte des fonds et des dons, les associations et initiateurs des actions de solidarité durant le Ramadan restent déterminés à aller au bout de ces œuvres sociales basées pour la plupart sur la foi, la cohésion sociale et le sens du partage.