"Allez crever, putain de sacs à merde!" La phrase est lancée d'un pick-up, qui passe devant l'Islamic Center de Fort Pierce, ce bâtiment qui était auparavant une église et en a encore l'allure.
A mesure qu'arrivent les fidèles, coups de klaxon et insultes fusent des voitures, à intervalle assez régulier, du "Mort à Mahommet!" jusqu'au "putain de cochons!"
L'autre mosquée de Fort Pierce, située le long d'une sorte de nationale, bâtiment totalement anonyme caché derrière des concessions automobiles, n'est pas aussi exposée.
Pour ceux qui n'auraient pas encore saisi où se trouve l'Islamic Center, l'essaim de journalistes et de caméras posté devant l'entrée plusieurs heures par jour a achevé d'attirer l'attention.
"Nous avons peur", admet Bedar Bakht, quinquagénaire truculent d'origine pakistanaise.
Les fidèles ne sortent que par groupe
La rupture du jeûne, en pleine période de ramadan, amène les fidèles à rester à la mosquée quasiment jusqu'à minuit.
Par précaution, ils se réunissent à l'heure du départ et ne sortent du bâtiment que groupés, explique Bedar Bakht.
"Dans deux semaines, les choses rentreront dans l'ordre", prévoit-il. "Mais pour l'instant, c'est nouveau. Des gens (non musulmans) appellent (le numéro de la mosquée) et laissent des messages stupides."
Pour la seconde fois après le départ pour la Syrie, en 2014, de Moner Muhammad Abusalha, qui fréquentait ce lieu de prière et est mort dans un attentat-suicide, on offre à l'Islamic Center une publicité dont il se serait bien passé.
"Nous sommes des gens tranquilles. Nous n'avons jamais eu de problèmes. Mais à cause de ce que ce type a fait, nous avons honte", lance, amer, un homme d'une cinquantaine d'années qui quitte les lieux avant d'avoir pu donner son nom.
"Avant, c'était une soirée lors de laquelle on fêtait quelque chose. Maintenant, regardez, il n'y a personne", dit-il.
Ils seront finalement quelques dizaines à se présenter, alors qu'il y a, d'ordinaire, une centaine de personnes présentes pour la rupture du jeune.
"Je crois que j'ai fait trop à manger", conclut, ennuyé, Bedar Bakht, cuisinier attitré de l'iftar, le repas traditionnel de rupture du jeûne.
"Je suis musulman, je n'ai pas peur de venir prier. Et je prie pour lui aussi", explique Yussef Thorne, l'un des rares fidèles noirs de la communauté, en référence à Omar Mateen.
"Il ne parlait à personne"
Le propre père du tueur d'Orlando, Seddique Mateen, n'a pas cette mansuétude.
"Je ne lui pardonne pas", a-t-il expliqué, chez lui, en costume cravate, devant un groupe de journalistes, dont un reporter de l'AFP.
Seddique Mateen pense aux victimes, mais aussi à son petit-fils, le fils d'Omar, âgé de trois ans.
"Il a détruit quasiment toute la famille", dit-il.
Dans la nuit de lundi à mardi, la femme d'Omar, Noor Zahi Salman, est passée à l'appartement familial, qu'elle n'habite plus, pour y récupérer quelques affaires.
Dans cette résidence bon marché, rendue riante par le soleil et les palmiers, rares sont ceux qui connaissaient Omar Mateen, sinon de vue.
"Il ne parlait à personne, pas que je sache. Il ne faisait que passer", se souvient Herbert Johnson, qui habite la résidence de Fort Pierce, baptisée "Woodland Condominium".
A la mosquée, où il est encore venu vendredi, même réserve, se souvient Bedar Bakht, qui l'avait pourtant connu espiègle lorsqu'il était adolescent.
Le parcours psychologique d'Omar Mateen reste un mystère, tout comme la nature exacte de ses relations avec l'homosexualité.
Plusieurs témoignages ont dépeint ces dernières heures un jeune homme fréquentant un site de rencontres homosexuelles, qui a déjà fait des avances à un autre homme et était un habitué du Pulse, le club où il a frappé dimanche.
Piste sur sa possible homosexualité
Il est, en revanche, totalement inconnu au Tattle Tails, l'un des rares établissements gay de Port St. Lucie et Fort Pierce, deux villes contiguës sur la côte de Floride.
Patrick, le barmaid, qui ne veut pas donner son nom de famille, assure ne l'avoir jamais vu, depuis dix ans qu'il fréquente l'endroit.
Le propriétaire et les autres serveurs ne l'ont jamais croisé non plus, affirme-t-il.
Même si rien ne permet, le plus souvent, d'identifier la religion d'un client, Patrick n'a pas souvenir d'avoir pu dire d'un d'entre eux qu'il était musulman.
Le massacre d'Orlando a montré, de manière tragique avec des familles découvrant l'identité sexuelle de leurs proches après leur décès, que les homosexuels n'étaient pas toujours bien accepté dans la communauté hispanique.
Mais chez les musulmans, le tabou est souvent encore bien plus présent.
Bien que se disant solidaire des victimes, Seddique Mateen a condamné publiquement l'homosexualité.
"Des musulmans homosexuels? Je n'en ai jamais rencontré", avoue Bedar Bakht. "Peut-être qu'ils se cachent".
Avec AFP