"Quand j'aurai fini mes études, je serai président de l'Unicef pour diriger le Congo", assure sérieusement à l'AFP Yves, qui à 13 ans n'est encore qu'en 4e année d'école primaire, parce qu'il a dû passer plusiers années à la mine pour aider ses parents.
Il fait partie de quelque 500 enfants sortis des carrières grâce à une opération conduite par l'Organisation des Nations unies pour l'enfance, qui a appuyé financièrement les démarches administratives menées par une ONG locale pour obtenir les certificats de naissance nécessaires à l'inscription en classe et a fourni des kits scolaires.
Ces certificats ont été obtenus par ordonnance du parquet de la ville pour 1.003 enfants, dont l'âge varie entre 8 et 15 ans. Les documents ont été remis mardi aux parents pour 500 d'entre eux lors d'une cérémonie organisée dans une cour d'école au centre ville de Kipushi, cité minière du Haut-Katanga d'environ 170.000 habitants, toute proche de la frontière zambienne.
En vertu d'une réforme récente ayant instauré la gratuité de l'enseignement primaire, ce certificat sera exigé à partir de la rentrée prochaine. Or, "le constat est amer, plus de 98% de nos élèves n'en ont pas, c'est bien dommage", a déclaré Mugimba Cosmas, chef des écoles publiques de la ville.
Un document pourtant indispensable en principe pour obtenir la nationalité congolaise, a appuyé Patrick N'Django Rwamo, chef du parquet de Kipushi, rappelant que les parents doivent normalement inscrire leur enfant au service d'état civil dans les 90 jours suivant la naissance, après quoi la procédure est complexe et payante.
Par négligence, ignorance ou à cause de diverses tracasseries, beaucoup de parents ne le font pas.
"Mort dans un éboulement" de carrière
"Les démarches administratives pour obtenir les certificats de naissance de rattrapage ont duré cinq mois", constate Nenette Mwange, directrice de l'Association des femmes pour le développement communautaire (Afemdeco), heureuse que tous ces enfants, qui "étudient gratuitement dans différents établissements publics de la région", puissent continuer à aller à l'école.
Kabwit Yav, mère de six enfants, certificat en main, est toute contente à côté de son fils, élève de 5ème année de primaire. "Trois de mes enfants étudient grâce à l'Unicef, les autres enfants, déjà âgés de plus de 18 ans, faute de moyens financiers, chôment à la maison", explique-t-elle.
Mamy Fail, elle, est veuve et mère de huit enfants. "Mon mari est mort dans un éboulement dans la carrière de Lupoto", dit-elle. Deux de ses enfants viennent d'obtenir leurs certificats de naissance. Les autres n'en ont pas. "C'est pas ma priorité, je souffre pour les nourrir".
"On dénombre neuf carrières de minerai riche en cuivre et cobalt dans ma juridiction que plusieurs familles, papas et mamans à la recherche de survie, exploitent d'une manière artisanale à longueur de journée", explique l'administrateur du territoire du Kipushi, Louis Tshota.
"Les enfants sont dans les mines pour suivre leurs parents, ce qui les prive d'école", déplore-t-il. Selon lui, 2.017 enfants ont été recensés dans les différentes carrières du territoire. L'Unicef a réussi à faire scolariser cette année scolaire 500 enfants. Beaucoup reste à faire, constate l'administrateur.