RDC

A la recherche des enfants perdus du volcan Nyiragongo

Un enfant perdu est assis sur un trottoir après l'éruption du volcan Nyiragongo, au poste frontière connu sous le nom de "Petite Barrière" à Gisenyi, au Rwanda, le 23 mai 2021.

Le volcan ne gronde plus, Goma panse ses plaies et se repeuple doucement, dix jours après l'éruption du volcan Nyiragongo et l'évacuation forcée de la ville. Dans le quartier Ndosho, c'est la liesse ce jour-là.

Des chants et des cris de joie résonnent sur l'avenue Kako, au milieu des maisonnettes de bois au toit de tôle. Une nuée d'enfants court pour venir accueillir trois des leurs, qui avaient disparu du voisinage lors du chaos de l'évacuation ordonnée à l'aube le 27 mai par les autorités.

Pierrette Mihindano, pagne jaune et vert accordé à son écharpe canari, se précipite en direction du véhicule du Comité international de la Croix-rouge (CICR). Trois fillettes en sortent pour se jeter dans ses bras. L'une est si petite, dans sa tenue rose à pois blancs, qu'elle tient à peine sur ses jambes. Ce ne sont qu'embrassades et larmes de joie.

"Retrouver leur trace!"

"J'étais hospitalisée quand on a ordonné l'évacuation de la ville" le 27 mai à l'aube, raconte Pierrette, la trentaine. "Depuis ce jour, je n'avais pas revu mes trois filles. Quand je suis sortie de l'hôpital, j'étais comme folle à la maison. Je me suis mise à courir dans tous les sens, à Sake, à Mungunga. J'ai lancé des appels à la radio pour essayer de retrouver leur trace", raconte-t-elle entre deux sanglots.

Dans la débandade de l'évacuation, les trois petites s'étaient retrouvées à Minova, bourgade lovée dans une des baies du lac Kivu, à 50 kilomètres de chez elles, au sud-ouest de Goma.

"C'était effrayant de vivre seule! Je n'arrivais plus à manger quand je me mettais à penser à mes parents", se souvient Paruis, l'aînée des trois filles, âgée de 12 ans.

Le cauchemar est terminé. Sourire jusqu'aux oreilles, la maman est enfin réunie avec ses cinq enfants, ses trois fillettes et ses deux garçons, une fin heureuse et si rare au milieu des cataclysmes de violences qui s'abattent depuis trois décennies sur cette région meurtrie.

Environ 1.300 enfants ont été séparés de leurs familles depuis la séquence qui s'est ouverte le 22 mai, selon les acteurs de la protection de l'enfance: du premier soir de l'éruption soudaine du volcan Nyiragongo, dont les laves sont venues lécher les faubourgs nord de la ville; la première fuite dans la panique des habitants, leur retour progressif et méfiant, puis la nouvelle évacuation dans la panique du 27 mai.

Près de 400.000 personnes ont été déplacées dans ce dernier exode, selon le gouvernement. Beaucoup sont revenues depuis dans la ville, où l'activité a fortement repris.

"Nous avons été surpris par l'éruption du volcan. Depuis lors nous ramassons chaque jour des enfants", constate, navré, Félicien Katenda, un responsable de la Croix-rouge locale. Sa collègue Aline Bisimwa serre contre sa poitrine un petit garçon joufflu, au regard perdu et inquiet. Il dit s'appeler Baraka Bahati, et être âgé de 3 ans. "Cet enfant a été perdu le soir de l'éruption. Comme vous le voyez, je le porte dans mes mains et il ne pleure pas. Même si je suis au travail".

Les acteurs de la protection de l'enfance -le CICR, l'Unicef et la Croix-Rouge congolaise notamment- précisent que 978 enfants ont, à ce jour, déjà retrouvé leurs proches.

Les systèmes d'entraide communautaire, dans cette région tristement habituée aux crises, ont facilité le travail des humanitaires et de la division des affaires sociales du Nord-Kivu.

"Jusqu'au dernier enfant"

"Avec cet événement tragique qui a touché Goma, il s'est manifesté une solidarité extraordinaire des Congolais. Beaucoup de familles ont accueilli des enfants perdus", explique Margot Champeix, responsable de la protection pour le CICR.

Pour aider ces enfants à entrer en contact avec leur familles, et vice-versa, six points d'écoute ont été installés par le CICR à Goma et dans les localités voisines où ont trouvé temporairement refuge des dizaines de milliers de personnes déplacées.

"Dans nos centres, les familles d'accueil viennent avec les enfants qu'ils hébergent pour les faire enregistrer. Ensuite nous faisons des recherches et par la grâce de Dieu, nous retrouvons certains d'entre eux," se félicite Exode Banzo, volontaire de la Croix-rouge congolaise pour le "rétablissement des liens familiaux".

"Il reste aujourd'hui plus de 300 enfants en attente de réunification avec leurs familles. Il est vraiment important de s'assurer que dans les prochains jours, avec le retour des déplacés à Goma, toutes les réunifications soient assurées jusqu'au dernier enfant", insiste le représentant de l'Unicef en RDC, Édouard Beigbeder.

L'arrachement aux parents et les intenses tremblements de terre qui ont secoué la région de Goma pendant plus d'une semaine ont par ailleurs provoqué des traumatismes chez certains de ces enfants isolés. Les équipes du CICR tentent de les apaiser.

"Notre mission ici est de ramener ces enfants à un état normal. Nous les assistons psychologiquement. Mais parfois il m'arrive aussi d'être emporté par leur vécu", confesse Nelson Tumusifu, un agent psycho-social du CICR, l'un de ceux qui tentent d'apporter un peu de réconfort à ces enfants en détresse.