Afrique du Sud: 1.175 rhinocéros braconnés en 2015

La faune indienne

Le nombre de rhinocéros tués en Afrique du Sud a baissé pour la première fois en huit ans, un nombre toujours "inacceptable" pour les ONG au moment où le débat fait rage sur la légalisation de la vente de corne dans le pays

L'Afrique du Sud abrite 80% de la population mondiale de rhinocéros, dont la corne, composée principalement de kératine comme les ongles humains, est très prisée des Asiatiques qui lui prêtent des valeurs médicinales non prouvées scientifiquement.

Cette forte demande alimente un juteux marché, puisque le kilo de corne de ce mammifère se monnaie au marché noir environ 60.000 dollars, "plus cher que l'or et la cocaïne", selon Pelham Jones, président de l'association sud-africaine des propriétaires privés de rhinocéros (PROA).

Devant cette demande en très forte expansion, l'Afrique du Sud a enregistré depuis une dizaine d'années une explosion du braconnage, passant de 13 bêtes tuées en 2007 à 1.215 en 2014.

Mais l'année 2015 a été marquée par une très légère diminution, a annoncé jeudi la ministre de l'Environnement, Edna Molewa: 1.175 spécimens ont été massacrés, principalement dans le parc national Kruger (nord-est), soit une baisse de 3,3% en un an.

"Nous sommes très heureux d'annoncer que (...) la situation du braconnage s'est stabilisée", s'est réjouie Mme Molewa.

"Etant donnée l'augmentation constante du braconnage dans les zones protégées, il s'agit d'une très très bonne nouvelle qui nous donne une vraie raison d'espérer", a ajouté la ministre qui a attribué ces résultats "aux efforts des autorités judiciaires et des agences de sécurité".

Un total de 317 braconniers ont été arrêtés pour trafic de rhinocéros en 2015, contre 258 l'année précédente. Près de 90% des personnes poursuivies ont été reconnues coupables. Deux Mozambicains ont ainsi écopé de 30 ans de prison.

Les Hawks, l'unité d'élite de la police sud-africaine, ont aussi mis la main sur une quinzaine de membres d'une organisation criminelle spécialisée dans le braconnage.

Mais les chiffres annoncés mardi "peuvent difficilement être une source d'autosatisfaction", a immédiatement tempéré Sabri Zain de l'organisation internationale de défense des animaux Traffic.

"Il est inacceptable que ces chiffres restent aussi élevés et que sur le continent la crise du braconnage s'étende", a-t-il ajouté.

"A l'échelle du continent africain, il s'agit de la pire année en terme de rhinos braconnés depuis des décennies", a même assuré Tom Milliken, expert chez Traffic.

- Levée du moratoire -

"L'épicentre du braconnage s'est étendu à la Namibie et au Zimbabwe, et est loin d'être éteint en Afrique du sud", a-t-il mis en garde.

Le nombre de rhinocéros tués entre 2014 et 2015 est passé de 12 à "au moins 50" au Zimbabwe et de 24 à 80 en Namibie, selon Traffic. "On est loin de voir la lumière au bout du tunnel", a constaté Tom Milliken.

Les ONG ont aussi dénoncé la décision du tribunal de Pretoria mercredi de confirmer la levée d'un moratoire interdisant la vente de corne de rhinocéros sur le marché sud-africain.

Il est donc possible d'acheter des cornes de cet ongulé en Afrique du Sud, à condition d'obtenir un permis des autorités provinciales, tandis que le commerce mondial reste lui toujours illégal.

"C'est un sérieux revers", a commenté Jo Shaw de l'organisation de défense des animaux WWF.

"Il n'y a pas de demande intérieure pour de la corne de rhinocéros en Afrique du Sud. Il est inconcevable que quelqu'un en achète, à moins de la vendre illégalement à l'étranger ou de spéculer sur une autorisation du commerce international", a relevé Colman O'Criodain, analyste chez WWF.

Les éleveurs se sont eux réjouis. "Cela va instantanément réduire la pression du braconnage sur la population sauvage", a assuré Pelham Jones, représentant les propriétaires privés de rhinocéros.

"Il s'agit d'une première étape vers, espérons-le, un changement au niveau international", a-t-il ajouté à l'AFP.

Le commerce de la corne de rhinocéros devrait cependant être rapidement suspendu en Afrique du Sud : la ministre de l'Environnement, furieuse, a annoncé son intention de saisir la Cour suprême d'appel, une décision qui interdira de fait toute vente en attendant le jugement.

Avec AFP