L'une de ses premières décisions, à son arrivée en 2021 à la tête de la municipalité d'uMngeni, au cœur de la province du KwaZulu Natal (est), a été d'embaucher un intendant. "Avant, quand il fallait changer une ampoule, la mairie passait un contrat. On économise tous les ans" l'équivalent de milliers d'euros.
Your browser doesn’t support HTML5
La culture précédente, à savoir selon lui 27 ans de clientélisme par le Congrès national africain (ANC) au pouvoir, "ne connaissait pas le concept de maintenance. Il fallait construire, toujours construire, exhiber du neuf et couper du ruban", ironise sans acrimonie le maire fluet, houpette blonde et regard bleu surligné de larges lunettes.
Dans son blazer marine et pantalon en toile, après une matinée de débats au conseil municipal, où son opposition l'a cuisiné sur des dépassements budgétaires, il rend visite à un garagiste de Mpophomeni, le township pauvre de sa circonscription de 120.000 habitants qui compte aussi deux villes de classe moyenne.
La municipalité a choisi de donner un coup de pouce à Sozabile Gumbi, 55 ans, pour investir dans de nouveaux équipements. "J'applique une politique massive de petits changements", explique le maire, après avoir conversé dans un zoulou fluide avec chacun des employés de la PME. Il écoute, opine du menton, serre la main de chacun, blague. Visiblement à l'aise, il joue volontiers les traducteurs.
A l'assaut de la province
Un peu plus loin, il montre à l'AFP avoir installé de l'éclairage public, pour améliorer la sécurité. Et de petits panneaux solaires dans le township, pour que les gens puissent allumer une ampoule et charger leur téléphone lors des coupures de courant qui affligent le pays depuis des mois. Il est tiraillé par des demandes aux antipodes. Ses concitoyens aisés "veulent réparer les routes", les pauvres "cherchent à consolider la maison en terre de la grand-mère qui s'écroule", souligne-t-il.
Lire aussi : En Afrique du Sud, la corruption est à son pire niveau depuis 12 ansChris Pappas, qui se présentera dans quelques mois au nom de l'Alliance démocratique (DA), premier parti d'opposition du pays, pour diriger toute la province, veut croire que sa couleur de peau n'est pas un obstacle. Mais ses "opposants s'en servent dans leur propagande". Il affrontera l'ANC et le parti Inkhata (IFP), les deux forces qui dominent la province, ainsi que le mouvement sécessionniste de l'ex-président Jacob Zuma (MK), tous exaspérés par les succès mais aussi le côté "sauveur" ou premier de la classe du maire blanc.
Ils font croire "que nous voulons restaurer l'apartheid", résume Chris Pappas. Le racisme "reste un problème tangible dans le pays mais les études montrent que ce n'est pas un critère déterminant au moment du vote", affirme-t-il. Son bilinguisme le distingue des autres Sud-Africains blancs, qui se contentent le plus souvent de parler anglais ou afrikaans, la langue héritée des colons néerlandais.
"On a le même sang"
Dans la rue, il est hélé par deux jeunes hommes noirs qui réclament un selfie. Franche rigolade. En partant, ils lancent au jeune maire, en zoulou, "on va dégager les vieux avec notre vote!". "Ce n'est pas seulement qu'il parle zoulou. Il comprend la culture", souligne son adjoint Sandile Mnikathi, 28 ans. "Il peut communiquer avec tout le monde, c'est drôlement important dans un pays qui compte une telle diversité".
Il a appris cette langue rythmée par des clics, l'une des onze parlées dans le pays et largement comprise parmi la population majoritaire noire, dès l'enfance dans la ferme familiale. "Il parle zoulou comme un noir", confirme Thembi Mchunu, 60 ans, retraitée du township, qui ne cache pas son admiration pour "Chris". "Je m'en fous" qu'il soit blanc, "on a le même sang", renchérit Siyabonga Zundi, chômeur de 38 ans.
M. Pappas dit fuir la politique politicienne et mise sur cette image. "Je ne suis pas un homme de discours et de meetings", confie l'ex-étudiant en urbanisme à l'AFP. "J'aime gérer, trouver des solutions".