Une culture de la natation s'installe en Afrique du Sud

Malgré des milliers de kilomètres de plages, seuls 15% des Sud-Africains savent nager.

Un container en tôle rouge trône au soleil dans une cour d'école près du Cap: seule piscine à 25 km à la ronde, ce "centre de natation de survie" d'un mètre de profondeur et six de long va apprendre aux enfants comment survivre dans l'eau.

Quelque 1.500 personnes meurent noyées chaque année en Afrique du Sud. L'école primaire Meiring, dans la petite ville de Riebeek-Kasteel, n'y a pas échappé: dans le hall d'entrée, une photo encadrée rend hommage à un garçon de douze ans, mort en 2021 dans le réservoir d'une ferme voisine.

"Ca arrive tout le temps: il fait chaud, les parents travaillent et les enfants vont nager au point d'eau le plus proche. Avant lui, une fillette s'était noyée dans une autre retenue d'eau. Et un enfant est mort dans une rivière", énumère Petro Meyer, 62 ans, monitrice de natation pour l'association National Sea Rescue Institute (NSRI).

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Directeur de l'école, Brenton Cupido explique à l'AFP que "la plupart des élèves de l'établissement ne savent pas nager". "S'il avait simplement su flotter dans l'eau, il aurait survécu", dit-il en évoquant le petit Siyabonga.

Malgré des milliers de kilomètres de plages, seuls 15% des Sud-Africains savent nager. Le taux de noyade, un "énorme problème de santé publique", est aussi le reflet d'inégalités historiques profondes: la grande majorité des victimes sont noires, souligne Jill Fortuin, directrice de la prévention des noyades à la NSRI, elle-même "coloured", notion héritée de l'apartheid pour désigner les personnes métisses.

"C'est aussi un problème hérité de l'apartheid, qui se perpétue d'une génération à l'autre", explique-t-elle. Sous le régime ségrégationniste, l'accès aux piscines et plages était limité pour les non-blancs.

Trente ans après l'avènement de la démocratie, "nous voyons encore des inégalités d'accès aux infrastructures. Les écoles publiques où vont les enfants les plus pauvres n'ont pas de piscine, les enseignants ne savent peut-être eux-mêmes pas nager, donc c'est un cercle vicieux: la natation n'est simplement pas une priorité."

"Eau sécurisée"

Pour endiguer le problème, la NSRI déploie 1.350 nageurs-sauveteurs bénévoles sur les plages et a installé 1.500 bouées rose vif sur différents plans d'eau. Mais surtout, l'association met l'accent sur la prévention: ses opérations de sensibilisation ont déjà atteint plus de trois millions de personnes. Car avec des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes en raison du changement climatique, le besoin ne fera qu'augmenter, avertit l'organisation.

Un autre container rejoindra bientôt une école primaire en pays zoulou (est), frappée par des inondations meurtrières l'an dernier. Un autre est déjà en place à Tombo, un peu plus au sud dans la région xhosa.

"Dans cette école, les enfants n'ont même pas de toilettes à chasse d'eau. Comment auraient-ils une piscine? Donc nous leur apportons une eau sécurisée", explique Andrew Ingram, qui a conçu ces centres de natation de survie.

Tout au long de l'année scolaire, les écoliers y apprendront les bases de la survie dans l'eau: comment aider les copains ou copines en difficulté, amener une bouteille vide comme bouée d'urgence, contrôler sa respiration et comment rester à la surface.

Jonathan Van der Merwe vivait avec "la crainte" que sa fille tombe un jour dans une des retenues d'eau de cette région viticole. Elle a été l'une des premières apprenties nageuses dans la piscine-container: "Je peux me détendre maintenant", souffle son père.

"Il faut voir leurs sourires quand ils se rendent compte qu'ils flottent tout seuls", se réjouit Petro Meyer, qui a déjà initié une centaine d'élèves de six à douze ans. "Nous voulons créer une nouvelle culture d'apprentissage de la natation, explique la monitrice, pour que ces enfants l'enseignent ensuite à leurs propres enfants."