La fronde anti-Zuma se durcit au sein de l'ANC en Afrique du Sud

Un membre du groupe de manifestants proteste à l'extérieur du QG de l'ANC, à Johannesburg, le 5 septembre 2016.

Le vent de fronde qui vise le président sud-africain Jacob Zuma s'est encore durci lundi avec l'appel à la démission lancé par trois de ses ministres, inquiets des effets électoraux potentiellement désastreux des affaires de corruption qui le visent.

Les trois membres du gouvernement ont exprimé leur défiance ce week-end lors d'une réunion de la direction du Congrès national africain (ANC, au pouvoir), selon des sources internes au parti citées par le site d'information News 24.

Depuis samedi, les instances dirigeantes de l'ANC sont réunies à huis clos dans un hôtel de Pretoria pour discuter de l'avenir de leur président et chef de l'Etat Jacob Zuma, dont le second mandat ne doit s'achever qu'en 2019.

Dès l'ouverture de cette réunion, le ministre du Tourisme Derek Hanekom et ses collègues de la Santé Aaron Motsoaledi et des Travaux publics Thulas Nxesi ont mis le feu aux discussions en demandant le départ de leur chef.

Signe de l'intensité des débats, la réunion qui devait initialement se terminer dimanche a été prolongée jusqu'à lundi.

L'ANC n'avait fait lundi aucun commentaire public sur la teneur des débats en cours au sein de sa direction.

"Il ne fait aucun doute que Zuma a aujourd'hui engagé le combat pour sa survie politique", a commenté l'analyste Ranjeni Munusamy dans les colonnes du site d'information Daily Maverick.

"Il s'accroche, bien qu'il soit désormais établi que de larges portions de l'ANC et de sa coalition ne le veulent plus comme président (...). Le compte à rebours de son départ est enclenché", a-t-elle jugé.

Le parti de feu Nelson Mandela traverse une crise provoquée par le revers historique du parti aux municipales d'août et les affaires qui visent M. Zuma, âgé de 74 ans.

Le président a dû rembourser cette année près de 500.000 euros à l'Etat dans une affaire d'abus de biens sociaux liés à la rénovation de sa résidence privée de Nkandla (est).

Dissensions

Il est également sous la menace de la réouverture de 783 charges de corruption dans une vieille affaire de contrat d'armement. Un rapport de la médiatrice de la République a également récemment mis en lumière son étroite collusion avec une richissime famille d'hommes d'affaires, les Gupta.

Ces dernières semaines déjà, de nombreuses figures historiques de la lutte contre l'apartheid, des militants de l'ANC, des chefs d'entreprise et un des principaux syndicats de la fonction publique (Nehawu) ont réclamé son départ.

Au sein même du gouvernement, les frictions sont fréquentes entre M. Zuma et son ministre des Finances Pravin Gordhan, qui a fait de la bonne gestion des entreprises publiques une de ses priorités.

Le vice-président Cyril Ramaphosa, dont le nom est fréquemment cité dans la liste des possibles successeurs de M. Zuma, a récemment publiquement apporté son soutien à M. Gordhan.

Parmi les prétendants à la succession du chef de l'Etat figurent aussi l'actuelle présidente de l'Union africaine (UA) Nkosazana Dlamini-Zuma, ancienne épouse de M. Zuma, ou l'actuel trésorier de l'ANC Zweli Mkhize.

Le nom de son successeur à la tête du parti doit être décidé fin 2017 à l'occasion d'un congrès. En cas de victoire de l'ANC aux élections générales de 2019, il deviendrait chef de l'Etat.

Ces dissensions au sommet de l'Etat pèsent de plus en plus sur une économie déjà morose.

Vendredi, l'Afrique du Sud, première économie du continent, a échappé à une dégradation formelle de sa note souveraine. Mais deux agences de notation financière, Fitch et Moody's, se sont publiquement inquiétées des "risques politiques liés à la gouvernance" et de leurs "conséquences négatives sur les résultats macroéconomiques".

Malgré ces mises en cause, M. Zuma dispose toujours du soutien d'une majorité de députés de l'ANC, qui ont récemment encore repoussé une motion de défiance déposée par l'opposition.

Il doit être entendu le week-end prochain par la "commission intégrité" de l'ANC, dont les réunions sont très rares.

Le parti a le pouvoir de démettre le président, comme il l'avait fait avec Thabo Mbeki en 2008.

Avec AFP