"La FNB (la First National Bank, NDLR) a reçu l'ordre de la Haute cour de suspendre les paiements sortant des comptes FNB de l'ancien président Zuma. Les comptes ne sont pas fermés car les paiements entrants ne sont pas affectés", a indiqué à l'AFP la banque par email. M. Zuma, 81 ans, peut saisir la justice pour contester cette décision, a-t-elle ajouté.
Lire aussi : Afrique du Sud: l'ANC, en perte de vitesse, lance sa campagne électoraleFraîchement élu président en 2009, Jacob Zuma s'était lancé dans de coûteuses rénovations dans son fief de Nkandla, dans la campagne zouloue (est). Invoquant la nécessité de travaux pour sa sécurité en tant que chef d'Etat, il avait inscrit dans la liste des rénovations la création d'une piscine, censée lutter contre les risques d'incendie, ainsi que la construction d'un poulailler et d'un enclos à bétail.
Saisie par une opposition jugeant que ces travaux n'étaient en rien liés à des questions de sécurité et hurlant au "viol" des lois fondamentales, la Cour constitutionnelle avait fini par condamner M. Zuma à rembourser l'équivalent de 480.000 euros. L'épisode de la piscine anti-incendie a par la suite été largement rappelée par ses détracteurs lorsque Jacob Zuma a été poussé à la démission en 2018 à l'issue de multiples scandales.
Selon la presse locale, M. Zuma aurait contracté un prêt auprès de la banque sud-africaine VBS Mutual Bank pour rembourser les travaux. Mais l'établissement bancaire a mis la clef sous la porte et a été placé sous curatelle en 2018, ruiné par la fraude. Le conflit tournerait désormais autour du montant du prêt encore à rembourser.
"Reprendre l'ANC"
L'affaire ressurgit à un peu plus de deux mois d'élections générales qui s'annoncent tendues. Les Sud-Africains doivent renouveler le 29 mai leur Parlement, qui désignera ensuite le prochain président. Selon les enquêtes d'opinion, l'ANC au pouvoir depuis la fin de l'apartheid risque pour la première fois en trente ans, dans un contexte socio-économique morose et de mécontentement grandissant, de perdre sa majorité absolue.
Ancien pilier du Congrès national africain (ANC), Jacob Zuma, qui a passé dix ans au bagne de Robben Island aux côtés de Nelson Mandela, a créé la surprise en décembre en annonçant faire campagne pour un petit parti radical baptisé Umkhonto We Sizwe (MK), récemment créé. Le sulfureux et charismatique ancien président a été suspendu le mois suivant de l'ANC.
Devant ses partisans mardi, M. Zuma a toutefois promis de "reprendre l'ANC" des mains de ceux qu'il a qualifiés au cours des derniers mois de "vendus", évoquant un parti qui ne ressemble plus à celui qu'il a connu.
Selon les observateurs, le changement de camp de Jacob Zuma est un coup dur pour l'ANC, qui pourrait précipiter la chute du parti historique. L'ex-président reste influent et a conservé de nombreux soutiens, notamment dans la province du KwaZulu-Natal (est), qui compte le plus grand nombre de membres de l'ANC. Contacté par l'AFP, le parti MK a dénoncé "un règlement de compte politique", accusant l'ANC d'être "derrière tout ça".
Toujours poursuivi dans une vieille affaire de pots-de-vin impliquant le groupe français Thales, Jacob Zuma est aussi accusé d'avoir été pendant ses mandats présidentiels sous l'influence d'une richissime famille d'hommes d'affaires, les frères Gupta. Une commission ad hoc a rendu en 2022 les conclusions accablantes de quatre ans d'enquête mettant en lumière le rôle central de l'ex-président dans la corruption rampante pendant ses neuf années au pouvoir (2009-2018).
Selon les derniers sondages, l'ANC remporterait environ 40% des voix en mai, contre 27% pour le premier parti d'opposition l'Alliance démocratique (DA), 13% pour le MK et 10% pour le parti radical de gauche EFF.