Afrique du Sud: une évasion, un corps calciné et une pilleuse de morgue

Des agents de la police sud-africaine à Johannesburg, Afrique du Sud, 11 juillet 2022.

Influenceuse glamour, elle est au coeur d'un fait divers qui captive les Sud-Africains : compagne d'un meurtrier et violeur en série longtemps en cavale, Nandipha Magudumana, médecin, serait allée jusqu'à chercher un corps à la morgue pour faciliter son évasion.

Il y a dix jours, la fringante trentenaire a été arrêtée en Tanzanie avec le fugitif Thabo Bester, 36 ans. Surnommé le "violeur Facebook", ce dernier, condamné en 2012 à la prison à vie pour un meurtre et plusieurs viols, s'était évadé en mai 2022, dupant les autorités.

Les surveillants de prison, découvrant le corps calciné d'un homme dans la cellule de Bester, avaient rapidement conclu que le détenu s'était immolé par le feu. Mais le mois dernier, la police a révélé que la dépouille n'était pas celle du détenu, citant les résultats de tests ADN.

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L'affaire scandalise le pays. Le président Cyril Ramaphosa se dit "troublé" par la série de défaillances qui ont permis l'incroyable évasion. Une commission parlementaire a entendu le ministre de la Justice, des responsables pénitentiaires et de hauts gradés de la police.

Enquête bâclée, pistes négligées, inertie de la police, la saga à la fois macabre et rocambolesque ressemble à un condensé des maux du pays à la criminalité record. La tête enfoncée dans une capuche et le visage dissimulé derrière un masque, Nandipha Magudumana, spécialisée dans les traitements de la peau et les soins esthétiques, a comparu lundi devant un tribunal de Bloemfontein (centre).

Chevilles entravées par des chaînes et couverte des pieds à la tête par un survêtement pastel, seuls ses ongles longs manucurés étaient visibles lors de l'audience. La jeune femme, qui fête ses 35 ans cette année, est poursuivie pour meurtre, complicité d'évasion et violation de dépouille.

Zones d'ombre

Elle est soupçonnée d'avoir aidé son compagnon à s'évader en fournissant le corps laissé calciné dans la cellule pour faire croire à sa mort. Les détails du modus operandi, stratagème et déroulé de l'évasion, restent opaques.

Comment le corps a-t-il été introduit dans la prison et de quelles complicités, complaisances ou incompétences, a-t-il bénéficié pour fuir ? Parmi les quatre interpellés dans cette affaire, figurent notamment le père du Dr Magudumana ainsi qu'un responsable des caméras de surveillance de la prison. Des doutes sur le rôle joué par le médecin émergent lorsque les autorités réalisent qu'elle a réclamé plusieurs corps auprès d'une morgue locale.

Avant de devenir la célèbre petite amie d'un fugitif, Nandipha Magudumana connaissait le succès auprès de célébrités qui avaient recours à elle pour des soins esthétiques de la peau. Son cabinet installé à Sandton, cossu quartier d'affaires de Johannesburg, avait notamment été élu "sponsor esthétique officiel" de Miss Afrique du Sud en 2019.

La mère de deux enfants étalait sur les réseaux sociaux son train de vie fastueux, postant des photos de son opulente résidence et de ses voitures de luxe. Elle exhibait aussi aux quelque 21.000 personnes qui la suivaient sur Instagram les fêtes d'anniversaire de ses enfants auxquelles participaient des célébrités locales. Le docteur, complice présumée du violeur Bester, s'affichait féministe, participant régulièrement à des conférences sur "le pouvoir" des femmes.

Nandipha Magudumana doit être présentée à nouveau à la justice le 3 mai. Elle a été placée en détention provisoire. Thabo Bester, dont le passé, les origines et même son existence à l'état-civil comptent de nombreuses zones d'ombre, doit aussi être entendu par la justice le mois prochain.