"Ahmad a été élu pour faire bouger les choses, pas pour casser la CAF" affirme Joseph-Antoine Bell

Joseph-Antoine Bell (DR)

L'ancienne gloire du football camerounais revient pour VOA Afrique sur la controverse autour de la CAN 2019. Selon lui, le pays sera bien prêt à accueillir la compétition continentale dans deux ans, pas maintenant.

Que pensez-vous des propos du président Ahmad sur l'impréparation du Cameroun pour organiser la CAN 2019 ?

Joseph-Antoine Bell : “En dehors de cette faute diplomatique, cela ne m’émeut pas beaucoup puisqu’il s’agit de faits. Il est évident que si la CAN se tenait demain, le Cameroun ne serait pas prêt. Mais la CAN se jouera en 2019 et tout le monde le sait. Je pense que le président Ahmad a été induit en erreur par des sons lui venant du Cameroun, par des gens qui ne sont pas venus vérifier sur le terrain. Notre pays est particulier. Mais, j’ai la chance de faire partie du comité de préparation de la CAN 2019. Je connais l’état d’avancement des préparatifs. Il suffit de venir au Cameroun pour voir que ce qui est dit là n’est pas vrai. ”

Les travaux au Cameroun sont-ils aujourd’hui dans les temps pour organiser cette CAN 2019 ?

Joseph-Antoine Bell : “Oui, largement dans les temps, d’autant que désormais il faut être prêt pour juin ou juillet 2019 et non plus janvier. Avec six mois de plus pour se préparer, les installations seront prêtes au moins trois mois avant. En travaux publics ou génie civil, on ne peut pas dire non plus que des installations ne seront pas prêtes d’ici vingt mois, ça n’existe pas. Il faut quand même que le monde sache que la plupart des infrastructures sont à rénover ou en cours de construction. On ne part pas de zéro. Il est faux d’insinuer qu’aucun site n’est prêt ; le site de Limbe est totalement prêt tout comme le site de Yaoundé 1 Mfandena (NDLR : un stade doit aussi être construit à Olembe en banlieue de Yaoundé). Les sites de Bafoussam est en cours. Les sites de Garoua et Douala sont en rénovation. Le deuxième stade construit à Douala est une addition. Je pense qu'en 2019, à la date de la CAN, le Cameroun sera largement prêt.”

Joseph-Antonio Bell lors de la Coupe du monde 1994 aux Etats-Unis

Qu'attendez-vous de la visite d'inspection qui doit se rendre avant la fin du mois au Cameroun ?

Joseph-Antoine Bell : “C'est une visite technique. Ils viendront constater l'avancée des travaux et discuteront avec les entreprises qui présenteront leur planning d'exécution et les moyens mis en œuvre. Ils sauront ainsi si le rythme actuel permet d'être prêt pour mars 2019, au plus tard.”

Partagez-vous l'inquiétude de nombreux Camerounais de voir la CAF enlever la CAN 2019 à votre pays ?

Joseph-Antoine Bell : “Il s'agirait d'une grosse bêtise. M. Ahmad a été élu pour faire bouger les choses, pas pour casser la CAF. Le monde d'aujourd'hui est un monde juridique. A quel pays a-t-on déjà retiré l'organisation d'une compétition 22 mois avant ? On ne peut pas. Ce n'est pas possible. Vous savez très bien qu'il y avait des retards à la Coupe du monde 2014 au Brésil. Aucun pays organisateur ne connaît pas de retards. A chaque fois, la compétition a lieu. Même les pays en guerre, on leur retire la compétition au dernier moment. Honnêtement, si cela arrivait, ça créerait un tel imbroglio et ternirait l'honneur du football africain. Personne ne le veut. Généralement, les fédérations internationales sont plutôt au chevet des pays organisateurs des compétitions. Ce n'est pas parce qu'on a eu des élections à la tête de la CAF qu'on va tout changer. Il s'agit toujours de la CAF, un organisme responsable de ses engagements antérieurs. Tout le monde là-bas (NDLR : au Caire) doit avoir bien conscience de cela. L'attribution de la CAN 2019 a été faite au nom de la CAF et si poursuites il y a, elles se feront contre la CAF. On n'a pas besoin de cela.”

Le président de la Caf (Confédération africaine de football) Ahmad Ahmad répond aux questions des journalistes lors de sa visite à Ouagadougou, Burkina, 5 août 2017. (VOA/Issa Napon).

Comment jugez-vous l'action d'Ahmad à la tête de la CAF depuis six mois ?

Joseph-Antoine Bell : “Il a fait campagne en disant que la CAF ne s’appuyait pas assez sur les légendes. M. Ahmad a organisé un symposium où ces légendes ont été conviées. Dans les discours, là-bas, il en a beaucoup parlé. Tout ceci montre qu’il tient ses promesses et fait ce qu’il dit. Je ne vois pas pourquoi maintenant il irait se fourvoyer dans une histoire inédite. Je le répète : on n’a encore jamais retiré une compétition à un pays hôte 22 mois avant. Qu'il y ait des velléités, oui. Qu'il y ait des remplaçants tapis dans l'ombre qui essaient, oui. Mais cela ne doit pas faire commettre l'erreur de franchir une ligne rouge. Si la compétition était retirée aujourd’hui au Cameroun, ça serait une bataille juridique à n’en plus finir. En 2015, lorsque le Maroc s'est désisté, la CAF était tellement énervée qu’elle avait sanctionné le Maroc. Mais elle l’avait fait au-delà des règlements. Le Tribunal arbitral du sport avait légitimement ramené ces sanctions à ce qui été prévu par les textes. C’est la même chose aujourd’hui. Si certains sont tentes de mener des actions avec le cœur, il faudrait qu’ils aient la raison de penser la tête."

Que pensez-vous du passage de 16 à 24 équipes pour cette CAN qui va désormais se jouer entre juin et juillet ?

Joseph-Antoine Bell : “Le changement de saison est bénéfique puisqu'il va permettre à nos joueurs de venir en Afrique l'esprit libre. Pour le passage à 24 équipes, vous pouvez toujours retarder le début du mariage mais augmenter le nombre de convives va poser un problème de capacité de la salle. Le gouvernement camerounais a décidé d’accompagner le football africain en acceptant les efforts nécessaires pour accommoder ce passage à 24."

Comment jugez-vous cette équipe des Lions indomptables, champions d'Afrique 2017 ?

Joseph-Antoine Bell : "Cette équipe a été championne d'Afrique un peu à la surprise. Le Cameroun maintenant veut relever le défi de gagner deux CAN d'affilée. Ils doivent se préparer ainsi. C’est l’objectif à la maison."

Benjamin Moukandjo, qui joue en Chine, peut-il garder le brassard de capitaine ?

Joseph-Antoine Bell : "Le post e de capitaine ne doit pas être un poste ministériel qui focalise l'attention de tous. Dans une équipe, vous pouvez avoir plusieurs joueurs qui ont des comportements de capitaine. C'est beaucoup plus important que le bras qui porte le chiffon. Le problème n'est pas géographique mais celui de sa forme. C'est l'entraineur qui le déterminera. Pour Moukandjo, l’important c’est de savoir s’il va garder le niveau pour rester dans cette équipe."

Propos recueillis par Nicolas Pinault