Comment avez-vous vécu cette seconde présidentielle ?
Alassane Ouattara : "Je m’en réjouis. J’en suis très fier. Je suis surtout très fier de mes compatriotes : d’abord la confiance renouvelée mais aussi le caractère apaisé de cette présidentielle. Depuis 1990, la Côte d’Ivoire n’a pas eu d’élections véritablement apaisée. Il y a toujours eu de la violence. Donc, je suis un homme heureux."
Il y a des défis qui vous attendent pour votre second mandat, notamment la réforme constitutionnelle. Mais pourquoi avoir attendu d’être réélu pour la faire ?
Alassane Ouattara : "D’abord, nous avions du travail. Une Constitution se modifie par référendum. Vous savez, il fallait laisser la situation s’apaiser. Cette Constitution a été conçue en période de crise, après un coup d’Etat militaire. Elle a été manipulée par un groupe de gens pour faire toutes ces exclusions. Par conséquence, je voulais laisser la situation s’apaiser d’autant plus que nous avions les décisions de Marcoussis qui ont quand même été adoptées par le Conseil de sécurité. Donc, en réalité, il n’y avait pas de problème. Mais je vais aller au-delà de la nationalité et de l’éligibilité en proposant une autre Constitution pour une Troisième République avec une plus grande cohérence, une Constitution plus moderne, plus adaptée à notre temps et également au futur de ce que nous voyons comme importance pour le futur de la Côte d’Ivoire.
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Est-ce que vous sentez que la Côte d’Ivoire est prête à entrer dans une Troisième République ?
Alassane Ouattara : "Ah oui, tout à fait parce que cette élection en est la preuve. J’ai indiqué à mes concitoyens que je vais un Ivoirien nouveau. Cela veut dire un Ivoirien qui respecte l’Etat de droit, qui est d’accord pour l’égalité des citoyens, qui veut que le travail, les mérites et la compétence soient reconnus et ainsi de suite. C’est le bon moment de commencer à travailler sur cette Constitution."
L’autre challenge de ce second mandat, c’est la réconciliation nationale. Comment allez-vous vous y prendre ?
Alassane Ouattara : Je crois que nous avons fait beaucoup pour la réconciliation. Comme j’ai eu à le dire, la réconciliation est une affaire pour chaque citoyen parce que nous avions tous vécu des moments difficiles. D’abord pour se réconcilier il faut le vouloir. C’est une affaire qui vient du cœur. Il faut faire en sorte qu’on accepte de pardonner, qu’on pardonne les uns les autres. Et ensuite, il y a deux grands volets. Il y a le volet bien de la justice qui doit être égale pour tous, éviter l’impunité. Et nous sommes en train de faire cela, ça a pris du temps, trop de temps à mon gout. Mais je le constate parce que la justice est indépendante. Et le deuxième volet, c’est les victimes et les proches. Nous avons commencé l’indemnisation des victimes et cela se passe bien.
Que diriez-vous aux gens qui n’ont pas voté pour vous?
Alassane Ouattara : C’est l’expression de la liberté d’un chacun, le vote de chacun. Et que ceci étant la majorité a voté ; 84% de ceux qui ont voté ont voté pour moi. Néanmoins, je suis le président de tous les Ivoiriens sans exception, sans discrimination. D’ailleurs, je l’ai démontré pendant mon premier mandat. J’ai visité chacune de 31 régions de Côte d’Ivoire. J’aurais pu dire telle région n’a pas voté pour moi… et nous avons exécuté les projets avec la même ampleur : les questions d’eau, d’électricité, d’école, nous avions fait la même chose partout.
Le Burkina Faso, pays voisin a toujours été médiateur dans la crise ivoirienne. Aujourd’hui, c’est aux Burkinabè de vivre des heures pénibles, certains se sentent un peu abandonnés. Qu’est-ce que vous leur diriez?
Alassane Ouattara : Point du doute ! J’ai reçu ici le Premier ministre de transition et le Président de transition. Nous avions été en contact. Je trouve que c’est malheureux qu’il y ait eu ce coup d’Etat ou cette tentative ce coup d’Etat qui a retardé les choses. Mais les Burkina aura l’élection présidentielle, je crois en fin novembre et après cela les choses vont se normaliser très vite. Le peuple burkinabè est peuple travailleur, très attaché à la démocratie. Moi, je leur fais confiance. Je n’ai pas de doute que les choses vont bien se passer. Mais les relations n’ont pas changé du tout entre les pays.
Propos recueillis par Tatiana Mossot