Alcool, drogue et suicides font des ravages chez les Américains blancs d'âge moyen

Des Américains au Mémorial du 11 Septembre, New-York, 9 novembre 2014.

La mortalité chez les Américains blancs d'âge moyen était en déclin depuis 1978 mais une étude publiée lundi pointe une étonnante inversion de tendance depuis 15 ans en raison des abus d'alcool, de drogue et des suicides, surtout chez les populations défavorisées.

Ainsi après avoir diminué de 2% en moyenne annuellement pendant vingt ans, la mortalité dans ce groupe augmente de 0,5% chaque année depuis 1999, précise cette recherche parue dans les Comptes-rendus de l'Académie américaine des Sciences (PNAS).

Ce renversement de tendance qui efface des décennies de progrès résultant des avancées médicales et de la qualité de la vie comme une nette réduction du tabagisme, n'est pas observé dans les autres pays riches comme la France ou l'Allemagne.

De la même manière, on ne constate pas ce phénomène dans les groupes ethniques des mêmes tranches d'âge (45-55 ans) aux Etats-Unis comme les Noirs et les Hispaniques, précisent les auteurs, dont surtout Angus Deaton, lauréat 2015 du prix Nobel d'économie, professeur à l'Université de Princeton (New Jersey).

Selon eux, il s'agit d'une véritable "hécatombe" avec un bilan comparable au nombre d'Américains qui ont succombé au sida, soit 658.000 au total, depuis l'apparition de l'infection au début des années 1980.

Bien que les taux de mortalité liés à la drogue, à l'alcool et aux suicides aient augmenté chez tous les Blancs d'âge moyen, l'accroissement le plus important a été constaté parmi ceux avec les niveaux d'études les moins élevés.

Chez ceux avec seulement le baccalauréat ou moins, le taux de mortalité lié à la drogue et à l'alcool a quadruplé depuis quinze ans tandis que les suicides ont augmenté de 81%. Les décès provoqués par une maladie du foie et la cirrhose se sont accrus de 50% sur cette même période.

Ainsi, la mortalité de toutes causes a grimpé de 22% depuis 1998 chez les Blancs d'âge moyen avec les niveaux d'étude les moins avancés et donc les plus vulnérables économiquement.

Dans ce groupe de population ayant fait un peu études supérieures, les taux de mortalité ont peu varié tandis que chez ceux avec un niveau licence ou davantage, la mortalité a poursuivi son recul.

La consommation d'héroïne a bondi

Si le taux des décès avait continué à diminuer ces quinze dernières années, comme observé de 1978 à 1998, il y aurait eu 488.500 décès de moins dans ce groupe de population entre 1999 et 2013, ont calculé ces chercheurs.

Bien que ce renversement de tendance dans l'état de santé des Américains blancs ne soit que partiellement élucidé, ces économistes notent l'accès de plus en plus facile aux opiacés à partir de la fin des années 1990 comme cause potentielle des abus de drogues.

Avec le resserrement des contrôles de la distribution des analgésiques à base de morphine, un nombre croissant d'Américains ayant développé une accoutumance à ces antidouleurs se sont tout simplement tournés vers l'héroïne dont la consommation a fait un bond de 63% de 2002 à 2013. Cette dernière année a marqué la fin d'une décennie durant laquelle les décès dus à cette drogue ont quadruplé, selon les Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC).

Le stress provoqué par des difficultés financières pourrait également jouer un rôle, avancent ces chercheurs.

Le revenu moyen des ménages parmi les Américains blancs d'âge moyen a commencé à nettement baisser à partir de la fin des années 1990. La stagnation des salaires qui a débuté avec le ralentissement économique des années 1970 a continué à frapper le plus durement les Américains qui n'ont pas fait d'études supérieures.

A cela s'ajoute l'incertitude grandissante quant aux retraites, de plus en plus soumises aux aléas des marchés financiers, et le fait que les Américains n'épargnent pas suffisamment.

Cette plus grande mortalité coïncide aussi avec des enquêtes auprès du public dans lesquelles depuis une quinzaine d'années les personnes interrogées font part d'un déclin de leur santé physique et mentale ainsi que de leurs difficultés grandissantes à faire face à la vie, surtout chez les Blancs d'âge moyen.

L'étude constate également que deux fois plus de personnes en 2013 dans ce groupe de la population américaine disaient souffrir de douleurs chroniques et de dysfonctionnement hépatique, par rapport à 1999.

La proportion de ceux se déclarant incapables de travailler a aussi doublé pendant cette même période.

Avec AFP