Suspension des évacuations à Alep

Les forces loyalistes syriennes de Bachar Al Assad encadrent un convoi de bus de civils qui fuient l'est d' Alep, Syrie le 16 décembre 2016.

Le régime syrien a suspendu l'évacuation de civils et d'insurgés de la ville ravagée d'Alep, faisant craindre une reprise des combats pour la conquête de la dernière poche rebelle où des milliers d'habitants restent pris au piège.

Lancée jeudi, cette opération d'évacuation devait durer plusieurs jours et, une fois terminée, permettre au régime de proclamer la reprise totale de la deuxième ville de Syrie et d'enregistrer sa plus importante victoire dans le conflit qui dure depuis 2011.

Mais le processus a connu un accroc, l'armée syrienne accusant les rebelles de "ne pas respecter les conditions de l'accord".

La raison, selon une source militaire, est que "les rebelles ont ouvert le feu, ont voulu sortir des armes moyennes et ont voulu prendre des otages", c'est-à-dire des militaires ou des forces prorégime qu'ils détenaient.

Au point de transit de Ramoussa, sous contrôle gouvernemental, quelques tirs ont été entendus en fin de matinée et les ambulances et les bus censés évacuer d'autres personnes du réduit rebelle ont dû rebrousser chemin, vides.

"Il a été demandé au personnel du Comité international de la Croix-Rouge et de l'Organisation mondiale de la santé (qui encadrent les évacuations) de quitter les lieux", a confirmé Elisabeth Hoff, représentante de l'OMS en Syrie, en précisant qu'aucune explication ne leur avait été fournie.

Mme Hoff a fait part de son inquiétude pour les civils toujours bloqués dans l'enclave rebelle. "Il y a encore un grand nombre de femmes et d'enfants de moins de cinq ans qui doivent sortir". Ces personnes "doivent désormais retourner chez eux à cause de l'arrêt de l'opération, ce qui nous inquiète beaucoup car nous savons qu'elles sont désespérées".

La Russie, alliée du régime, a été elle jusqu'à annoncer que l'évacuation des rebelles et de leurs familles était terminée, et que les troupes syriennes étaient en passe de liquider les "dernières poches de résistance" à Alep.

Mais une source militaire syrienne a maintenu que l'opération était "suspendue et non finie", sans dire quand elle reprendrait.

Selon l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura, il reste environ 40.000 civils dans le réduit rebelle et entre 1.500 et 5.000 combattants et leurs familles.

Depuis jeudi, environ 8.500 personnes, dont 3.000 combattants, ont été évacuées vers des territoires sous contrôle rebelle, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Quelque 8.000 selon les médias officiels syriens.

Selon Ahmad al-Dbis, chef d'une unité de médecins et de volontaires qui coordonnent l'évacuation des blessés d'Alep, au moins 250 blessés sont sortis. Certains ont été transférés en Turquie.

Avançant une autre raison pour la suspension de l'opération, le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, a argué du blocage par des groupes rebelles de l'évacuation des blessés des villages chiites prorégime de Foua et Kafraya dans la province voisine d'Idleb (nord-ouest), assiégés par les rebelles.

Le départ de ces blessés était l'une des conditions à l'accord du régime pour permettre l'évacuation du réduit rebelle d'Alep.

A Alep, un convoi de plus de 800 personnes évacuées a ainsi été forcé de retourner en zone rebelle par des miliciens chiites prorégime.

Avant la suspension, des ambulances et des autobus fournis par le régime ont fait la navette toute la nuit entre la poche rebelle à Alep et des secteurs contrôlés par les insurgés dans l'ouest de la province du même nom.

Certains résidents sont en outre partis dans leur propre véhicule, a indiqué Ahmad al-Dbis à Khan al-Assal, localité à l'ouest d'Alep où les évacués ont été conduits.

"De nombreuses familles arrivent avec leurs affaires dans des camionnettes" à Khan al-Assal, selon lui. "De là, ils vont vers des camps ou chez des amis ou de la famille habitant dans la région".

Après un siège de plus de quatre mois, une offensive d'envergure et particulièrement destructrice lancée mi-novembre a permis à l'armée et à des milices alliées de reprendre plus de 90% des quartiers que les rebelles contrôlaient à Alep depuis 2012.

La province d'Idleb est la dernière grande place forte de la rébellion. Outre Idleb, celle-ci ne contrôle plus dans le pays que la majorité de la province méridionale de Deraa et des régions proches de Damas assiégées par le régime.

Durant leur offensive d'un mois, les forces du régime ont déversé sans arrêt leurs missiles, barils d'explosifs et obus sur les quartiers rebelles. Des centaines de civils ont été tués et plus de 100.000 autres -affamés et assiégés pendant quatre mois- poussés à la fuite, sans compter les immenses destructions, et ce sous les yeux d'une communauté internationale impuissante.

L'intervention militaire russe en 2015 a permis aux troupes du régime, alors en déroute, d'inverser la situation.

Fort de ces succès, le président russe Vladimir Poutine a dit mener des négociations avec les représentants de l'opposition armée, via la Turquie, ajoutant que "la prochaine étape (était) d'obtenir un accord sur un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire syrien".

Vendredi, le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir pour parler d'Alep, alors que les Etats-Unis ont averti que cette cité risquait de devenir un "autre Srebrenica", ville de Bosnie où fut commis en 1995 le pire massacre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le conflit très complexe en Syrie, impliquant différents belligérants et leurs soutiens régionaux ou internationaux, a fait plus de 310.000 morts depuis près de six ans.

Avec AFP