"Les autorités tchadiennes doivent faire la lumière sur le sort de plusieurs éléments des forces de défense et de sécurité présumés ‘disparus’, et ouvrir une enquête indépendante sur les mauvais traitements subis par d’autres qui n’auraient pas voté pour le parti au pouvoir", ont déclaré aujourd’hui, Amnesty International et la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH).
Selon certains médias, plus de 40 membres des forces de défense et de sécurité seraient portés disparus depuis le 9 avril, jour de leur vote à l’élection présidentielle. Les deux organisations de défense des droits humains sont en mesure de confirmer plus de vingt cas de disparitions présumées.
"Les autorités doivent faire la lumière sur ces disparitions en mettant en place une commission d’enquête indépendante et impartiale afin d’amener les responsables présumés à répondre de leurs actes devant des tribunaux civils, conformément au droit tchadien et aux normes internationales relatives à un procès équitable, sans recours à la peine de mort", a déclaré Balkissa Ide Siddo, chargée de campagnes sur l’Afrique centrale à Amnesty International.
Face aux allégations de disparitions des éléments des forces de défense et de sécurité – dont des gendarmes, policiers et militaires de différentes unités de commandement – les autorités ont affirmé que les concernés avaient été déployés en mission commandée.
Le 21 avril, quatre des personnes présumées disparues ont été présentées à la télévision nationale comme preuve qu'elles sont toujours en vie. Mais aucune information sur leur localisation n’a été communiquée à leurs familles qui n’ont plus leurs contacts et qui ignorent leur date de retour.
Ces familles ont d’ailleurs déclaré qu'il est extrêmement inhabituel que ces agents partent en mission sans préavis. En outre, leurs collègues ignoraient qu’un tel déploiement était prévu.
Amnesty International et la Ligue tchadienne des droits de l’homme ont pu s’entretenir avec des éléments des forces de défense et de sécurité qui ont affirmé avoir été arrêtés, violentés et détenus le 9 avril dernier. Les organisations ont également recueilli les témoignages d’une vingtaine de personnes à la recherche de leurs parents disparus après avoir voté.
D’après les informations collectées par Amnesty International et la Ligue tchadienne des droits de l’homme, dans au moins deux bureaux de vote, des responsables militaires ont contraint des éléments des forces de défense et de sécurité à publiquement voter pour le parti au pouvoir. Ceux qui ne se sont pas soumis à ces injonctions ont été soit bastonnés publiquement, soit placés en détention dans une cellule durant plusieurs heures.
Joint par VOA Afrique, la chargée de campagne auprès de Amnesty International en Afrique de l'Ouest Balkassi Ide Siddo a parlé de situation "assez étrange".
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Un policier tchadien témoigne
"On nous obligeait à voter pour le parti au pouvoir. Deux personnes étaient à l’entrée de l’isoloir. Dès que j’ai pris les bulletins de vote, elles m’ont demandé de cocher en faveur du président. J’ai résisté et on m’a pris. Je n’ai pas eu le temps de voter. Ils ont pris mon bulletin de vote et ma carte d’électeur. Le commandant a donné une gifle à une policière devant tout le monde parce qu’elle a voté pour un opposant devant eux", a-t-il expliqué.
Outre ceux qui sont toujours présumés disparus, plusieurs agents de sécurité ont été arrêtés le même jour avant d’être libérés. Un policier interrogé par Amnesty International a déclaré qu’ils étaient une quarantaine entassés dans une cellule de quatre mètres sur cinq avant d’être libérés vers 19 heures.
"Les responsabilités doivent être situées sur les cas d’arrestations arbitraires, de détention et de violence exercée sur des éléments des forces de sécurité", a déclaré Balkissa Ide Siddo.
"Plus de 20 familles sont toujours sans nouvelles de leurs parents, maris, pères, frères et fils, militaires et policiers. Elles ne cessent de faire le pied de grue dans nos locaux à la recherche d’informations", a déclaré Me Midaye Guerimdaye, Président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme.
"Les autorités doivent leur enlever cette angoisse qui les déprime en apportant une réponse claire à leurs questions".