La police nationale a fourni un bilan global provisoire de 32 morts, civils ou membres des forces de l'ordre tués, pour beaucoup par balles, en 48 heures de pillages et d'affrontements entre forces de l'ordre et jeunes réclamant le départ du président Joseph Kabila.
Mais pour l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti d'opposition historique en République démocratique du Congo, ces violences, les pires qu'ait connues Kinshasa depuis janvier 2015, ont fait "plus de 100 morts".
Les affrontements ont éclaté lundi matin en marge d'une manifestation organisée par un "Rassemblement" d'opposition constitué autour de l'UDPS à trois mois de la fin du mandat de M. Kabila pour lui signifier son "préavis" et exiger son départ le 20 décembre.
La Constitution interdit à M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se représenter, mais le chef de l'État ne donne aucun signe de vouloir quitter son poste alors que le scrutin présidentiel apparaît désormais impossible à organiser dans les temps.
La situation a rapidement dégénéré pour tourner à l'émeute et au pillage de bâtiments publics (commissariats, tribunaux...) ou de biens privés.
Les autorités et le "Rassemblement" se sont mutuellement renvoyé la responsabilité des violences. Dans un communiqué, la présidence de la République a accusé mercredi l'opposition d'avoir transformé la manifestation en "émeutes sanglantes".
Bruno Tshibala, porte-parole de l'UDPS, a qualifié les troubles d'"incendie [...] planifié" par un "pouvoir sanguinaire".
L'ONU, qui déploie en RDC sa plus grosse force de maintien de la paix au monde (principalement présente dans l'est du pays) s'est montrée prudente avec les chiffres.
"Il y a beaucoup de personnes qui ont été tuées", a déclaré à la presse le chef du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l'Homme en RDC (BCNUDH), José-Maria Aranaz, indiquant que son organisme ne donnerait un bilan qu'après un long travail de vérification.
- 'Morgue débordée' -
Dans la capitale, la vie a commencé à reprendre ses droits mercredi. Les transports en commun ont fonctionné de nouveau, mais la circulation s'est révélée plus fluide qu'un jour normal dans cette mégapole pauvre de 10 millions d'habitants habituée aux embouteillages.
Les pompes à essence et les boutiques ont majoritairement rouvert. Les parents ont cependant préféré ne pas envoyer leurs enfants à l'école pour le troisième jour consécutif alors que l'on pouvait voir encore une présence inhabituelle de militaires en ville.
A la morgue de l'hôpital général, dans le nord de la capitale, un agent de police gardant les lieux a déclaré à l'AFP : "Il y a eu des corps ramenés ici après que la morgue du camp [militaire le plus proche] a été débordée." Pressé de donner des précisions, l'homme a simplement déclaré : "Beaucoup de gens sont morts, plusieurs corps sont gardés ici."
Dénonçant une "brutalité excessive" tant de la part des manifestants ou des émeutiers (accusés par la police d'avoir utilisé des armes automatiques) que des forces de l'ordre, M. Aranaz, du BCNUDH, a dit être "très (préoccupé) par l'usage massif des armes létales dans le contrôle des manifestations".
Dans les quartiers sud de la capitale durement touchés par les violences, plusieurs habitants ont expliqué les débordements des jours précédents par l'exaspération d'une population excédée par une situation de misère quasi généralisée et sa volonté d'alternance politique à la tête de l'État.
Dans son communiqué - lu mercredi soir à la télévision publique -, la présidence de la république n'a fait aucune référence à l'avenir politique du chef de l'État, "qui présente ses vives condoléances à toutes les familles éprouvées".
Sans faire aucune référence au scrutin présidentiel, le texte ajoute que M. Kabila appelle l'opposition à délaisser "l'insurrection" et à "le rejoindre sans attendre" à la table du "dialogue présentement en cours pour régler les difficultés nées de l'organisation de nouveaux scrutins prévus par la Constitution" (les élections locales, NDLR).
Ce "dialogue national" s'est ouvert le 1er septembre entre la majorité au pouvoir, des représentants de la société civile et une frange minoritaire de l'opposition pour tenter d'esquisser un voie de sortie à la crise politique qui consume le pays depuis la réélection contestée de M. Kabila en 2011.
Suspendus mardis, ses travaux doivent reprendre vendredi.
Respectée au Congo pour le rôle déterminant qu'elle a jouée dans l'ouverture démocratique de la décennie 1990, l'Église catholique, qui participe au "dialogue" a demandé mardi du temps pour "rechercher un consensus plus large" et dans lequel il devra selon elle "être clairement établi et stipulé que" M. Kabila ne se représentera pas.
Avec AFP