Les différents diagnostics des sous-secteurs de l’enseignement primaire et secondaire général ont révélé, sur les dix dernières années, un faible niveau de performance des élèves.
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La qualité de l’enseignement dispensé et le manque d’enseignants qualifiés seraient, entre autres, les causes de cette situation du système éducatif. C’est donc pour corriger ces imperfections et redorer le blason du système éducatif que le gouvernement de Patrice Talon a décidé d’organiser une évaluation.
Ils sont plus de 10.000 enseignants contractuels appelés à passer un examen en vue de maintenir leur place au sein de la fonction enseignante. Ils accueillent la nouvelle avec beaucoup de colère.
Pour Marc Aliou, le gouvernement cherche à humilier les enseignants. "Le système éducatif dans son état actuel n'est pas la faute de l'enseignant", affirme-t-il.
"Cela ne respecte aucun texte de la République. Nous avons des types d'évaluation qui sont connus. On les laisse de côté et on nous dit de venir nous asseoir pour composer."
L'évaluation consistera en une composition dans les disciplines enseignées.
Félicité Tohon, enseignante depuis plus de dix ans, pense que si le niveau des enseignants est à plaindre, l'État doit se faire des reproches et y remédier sans passer par l'évaluation.
"J'ai eu mon CAPES depuis 2008 et ce n'est pas reconnu. Vous pensez que je serai aussi motivée pour travailler dans ces conditions? Je suis au même salaire depuis dix ans", confie-t-elle.
A travers trois ministres, le gouvernement a assuré, le 15 août dernier, qu'aucun enseignant ne sera laissé sur le carreau après l’évaluation. Cependant, les syndicalistes exigent un document écrit pour se prémunir contre un marché de dupe.
Didier Quenum, syndicaliste, est lui aussi entré dans la fonction il y a dix ans. Il est très remonté contre la décision du gouvernement d'évaluer les enseignants. Il trouve que c'est de "l'ingratitude de la part du gouvernement de chercher à se défaire des enseignants qui ont sacrifié de leur temps pour redorer le blason du système éducatif".
"Au moment où le système éducatif était à terre dans ce pays, les gouvernants n'ont pas pensé à lever le petit doigt. Et ce sont les communautaires et les contractuels locaux qui gardaient le système. Ceux qui étaient recrutés depuis 1986 étaient usés, fatigués. Et ce sont les jeunes depuis 2008 qui ont insufflé le dynamisme. Aujourd'hui, pour les remercier, on voudrait les bouter hors du métier. Nous ne céderons pas à cette pression".
Tous les moyens sont utilisés par le gouvernement pour convaincre les enseignants. Les trois ministres du secteur de l'enseignement sont, depuis quelques semaines, sur le terrain en vue de sensibiliser les enseignants sur la nécessité de cette évaluation diagnostique.
Pour Salimane Karimou, ministre de l'enseignement primaire, l'intention du gouvernement reste et demeure la redynamisation du système éducatif et rien d'autre. "Le gouvernement n'est pas là pour supprimer des emplois, mais pour les créer", a-t-elle déclaré..
"Le gouvernement n'a jamais manqué de dire que l'objectif de cette évaluation est le renforcement des capacités des enseignants. Cette évaluation ne saurait et ne va déboucher sur la perte d'emploi de qui que ce soit. Le rôle de l'État c'est de préserver les emplois qui existent. Ce n'est pas de les supprimer. Si c'était une question de licenciement, de radiation, pour des contractuels, l'État n'aurait pas besoin d'une évaluation", a souligné Salimane Karimou.
Tout le corps enseignant ne crache pas sur cette évaluation diagnostique. Certains accompagnent cette réforme et pensent que les enseignants ne devraient pas la boycotter.
C'est le cas de Franck Ahossi, qui pense aller composer le 24 août car, pour lui, "l'évaluation pourrait profiter aux enseignants".
"Puisque c'est une évaluation, cela nous permet de nous juger, de voir un peu nos aptitudes. Si ce n'est pas à caractère punitive, et si ce n'est que pour évaluer, pour voir la performance des enseignants, ça nous profitera beaucoup", explique-t-il.
Les enseignants tenant un tel discours sont mal vus par leurs pairs qui les soupçonnent, ainsi que certains syndicalistes, de pactiser avec le gouvernement pour la dégradation de la fonction enseignante au Bénin. "Nous ne céderons pas à cette pression", promet Fred Kpoviessi.
"Certains qui se disent représentants des travailleurs ont osé, de connivence avec les ministres, descendre sur le terrain pour intimider afin de mettre en œuvre leur plan machiavélique, et par conséquent, on a compris finalement qu'on n'a plus de dignes représentants", se plaint M. Kpoviessi.
Les enseignants qui ne se présenteront pas à l'évaluation seront simplement considérés comme démissionnaires et retirés de la Fonction publique. Le gouvernement a averti qu'il n'entend pas marchander.