Pas moins de 39 candidatures, un record, ont été enregistrées pour l'élection, qui se tiendra sous haute sécurité dans un hangar de l'aéroport de la capitale Mogadiscio.
Le chef de l'Etat sortant, Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, est candidat à sa réélection, ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'a réussi à réaliser. Deux d'entre eux, Hassan Cheikh Mohamoud (2012-2017) et Sharif Cheikh Ahmed (2009-2012), se présentent face à lui, ainsi que son ancien Premier ministre (mars 2017-juin 2020), Hassan Ali Khaire.
Parmi les autres candidats figurent le président de la région du Puntland, Saïd Abdullahi Dani, et une seule femme, l'ancienne ministre des Affaires étrangères et vice-Première ministre Fawzia Yusuf Adan. Cette élection doit signer la fin de plus d'un an de crise politique.
Le mandat de Farmajo était arrivé à échéance en février 2021, sans accord avec les dirigeants régionaux sur l'organisation de nouvelles élections. La prolongation de deux ans de son mandat par les députés en avril 2021 avait déclenché des combats à Mogadiscio, ravivant le souvenir des décennies de guerre civile qui ont ravagé le pays après 1991.
Le Premier ministre, Mohamed Hussein Roble, avait ensuite été chargé de mener à bien les élections, mais le processus avait péniblement avancé, retardé par des conflits au sommet de l'exécutif et entre le gouvernement central et certains Etats fédérés.
"Pays polarisé"
Cette élection "offre un bouton de réinitialisation", affirme Samira Gaid, directrice exécutive de l'Institut Hiraal, spécialisé sur les questions de sécurité. "Le pays est très polarisé en ce moment et quiconque sera élu devra travailler à réunifier le pays", estime-t-elle.
La Somalie n'a pas tenu d'élections selon le principe d'"une personne, une voix" depuis 1969, année où le dictateur Siad Barré a pris le pouvoir par la force. L'élection suit un complexe système indirect, dans lequel les assemblées des Etats ainsi que des délégués investis par une myriade de clans et de sous-clans choisissent les législateurs qui, à leur tour, désignent le président.
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Pour être élu, un candidat devra rassembler au moins deux-tiers des voix des députés et sénateurs (184). Si aucun ne réunit ce total au premier tour, un deuxième est organisé entre les quatre candidats arrivés en tête. Si aucun d'entre eux ne parvient à être élu, un nouveau tour de scrutin est organisé entre les deux candidats ayant réuni le plus de voix au deuxième tour.
Les stratégies de vote, dans lesquelles pèseront les affiliations aux différents clans, s'ajusteront au fil des tours de scrutin. "En termes de résultats, la politique somalienne est notoirement difficile à prévoir", rappelle Omar Mahmood, analyste à l'International Crisis Group: "C'est essentiellement une affaire d'alliances et de relations plutôt que de programmes".
"Rapide, pacifique, crédible"
Cette semaine, soutiens et bailleurs de fonds de la Somalie – dont les Etats-Unis, l'ONU et l'Union africaine – ont exhorté les dirigeants somaliens "à conclure cette dernière étape du processus électoral rapidement, pacifiquement et de manière crédible afin que l'attention puisse se tourner vers les priorités nationales et le renforcement de l'État".
Depuis un an et demi, la communauté internationale a multiplié les appels à boucler les élections, estimant que les retards détournaient les autorités de la lutte contre les islamistes radicaux shebab, affiliés à al-Qaïda, qui mènent une insurrection dans le pays depuis 15 ans.
Ces derniers mois, les shebab ont intensifié leurs attaques, menant notamment un sanglant double attentat dans le centre du pays le 24 mars (48 morts), puis une attaque d'envergure contre une base de la force de l'Union Africaine (dix morts selon un bilan officiel).
Cette élection sera également capitale pour l'avenir économique de la Somalie, dont 71% de la population vit avec moins de 1,90 dollar par jour (1,80 euro). Le FMI a mis en garde qu'un programme d'aide pourrait s'arrêter automatiquement au 17 mai si une nouvelle administration n'était pas en place. Le gouvernement a demandé fin avril de repousser de trois mois cette échéance, sans réponse pour l'instant.
Le pays fait également face à l'une des pires sécheresses des dernières décennies. Les organisations humanitaires redoutent une famine similaire à celle de 2011, qui avait tué 260.000 personnes.