Arrestation du président du principal parti d'opposition en Tanzanie

Freeman Mbowe (au centre), président de Chadema, principal parti d'opposition tanzanien, au tribunal de première instance de Kisutu à Dar es Salaam, en Tanzanie, le 10 mars 2020.

Le président du principal parti d'opposition tanzanien, Freeman Mbowe, a été arrêté ainsi que dix autres membres du parti à Mwanza (nord-ouest) où ils prévoyaient un rassemblement, a annoncé mercredi matin Chadema.

"Freeman Mbowe a été abordé par une armée d'officiers de police à son arrivée à l'hôtel à 2h30 du matin et a été arrêté avec d'autres leaders", a déclaré Chadema dans un communiqué posté sur Twitter et signé par son directeur de la communication, John Mrema.

"Les autres leaders ont été emmenés au commissariat de Mwanza mais l'endroit où Freeman Mbowe a été emmené n'est pas connu et jusqu'à maintenant il n'y a pas d'information sur sa localisation", ajoute le parti, demandant à la police d'indiquer où il se trouve et pourquoi il a été arrêté.

"Nous condamnons la répression des droits des Tanzaniens de la manière la plus forte. Ce sont des signes que la dictature qui avait cours sous le président John Magufuli continue", poursuit-il.

L'ancien président John Magufuli, à la tête de la Tanzanie depuis 2015 et réélu en octobre 2020, est décédé en mars, officiellement de problèmes cardiaques.

Conformément à la constitution, Samia Suluhu Hassan, vice-présidente et colistière de M. Magufuli, lui a succédé.

Outre la lutte contre la corruption, la présidence M. Magufuli, surnommé le "Bulldozer", a notamment été marquée par un virage autoritaire, avec des attaques répétées contre l'opposition et un recul des libertés fondamentales, dénoncés par des groupes de défense des droits.

Au moins 150 membres et dirigeants de l'opposition, qui avait dénoncé des fraudes massives et contesté les résultats des élections, avaient, selon l'ONU, été arrêtés dans les semaines qui suivirent le scrutin.

M. Mbowe était un d'eux, de même que Tundu Lissu, candidat malheureux du Chadema face à M. Magufuli. Les deux leaders avaient été ensuite libérés sous caution.

M. Mbowe a subi plusieurs autres arrestations ces 10 dernières années, dont une détention de trois mois entre fin 2018 et début 2019, où il était poursuivi pour manifestation illégale.

M. Lissu, blessé de plusieurs balles en 2017 lors d'une tentative d'assassinat, s'est lui réfugié en Belgique après les élections, disant craindre pour sa vie.

Des doutes ont émergé quant à la sincérité de ce scrutin, qui a vu le CCM, parti au pouvoir, emporter la quasi totalité des sièges dont certains jusque dans des bastions historiques de l'opposition.

M. Mbowe avait ainsi perdu le siège de député qu'il occupait depuis 20 ans.

"L'ordre ancien"

Depuis son investiture, Mme Hassan a amorcé une rupture avec son prédécesseur. Elle s'est notamment dite prête à défendre la démocratie et les libertés fondamentales.

Ces arrestations interviennent après que M. Mbowe a appelé à la tenue d'un rassemblement pour demander des réformes constitutionnelles, malgré les restrictions imposées par les autorités de Mwanza en raison de la pandémie de coronavirus.

"Nous ne pouvons pas continuer avec l'ordre ancien. Nous avons le droit de nous réunir, mais nous sommes arrêtés, frappés, accusés et renvoyés devant les tribunaux pour deux ou trois ans et ensuite libérés", avait déclaré lundi dans une vidéo M. Mbowe, arborant un béret rouge et un tshirt orné d'un point levé.

"S'ils veulent arrêter tous les membres de Chadema, qu'ils élargissent les prisons car nous sommes tous prêts à être arrêtés et nous ne demandons pas de libération sous caution", y ajoutait-il.

M. Lissu a de son côté affirmé mercredi qu'"appeler à des réformes politiques n'enfreignait aucune loi" et appelé les partenaires de la Tanzanie a "arrêter de subventionner la dictature du CCM".

La Tanzanie, qui compte 58 millions d'habitants, est considérée comme un pays stable dans une région est-africaine particulièrement volatile.