Rakhmat Akilov est jugé pour avoir lancé à vive allure un camion de livraison volé dans une rue piétonne et commerçante très fréquentée de Stockholm, le 7 avril 2017 à une heure de forte affluence.
Trois Suédoises dont une fillette de 11 ans, un Britannique et une Belge avaient été tués, et dix autres passants blessés.
Cet Ouzbek de 40 ans, ouvrier du bâtiment qui avait été débouté de sa demande d'asile en Suède, avait prêté allégeance au groupe État islamique (EI).
Bien que l'organisation jihadiste n'ait jamais émis de revendication, Rakhmat Akilov --pantalon vert et veste polaire sur le dos-- a de nouveau affirmé mardi qu'il a reçu le feu de "personnes" de l'EI présentes au sein du califat, en Afghanistan notamment, lors de ses nombreux contacts sur des messageries cryptées.
En mars, il prend des photos à plusieurs endroits du lieux où il commettera l'attentat.
"Pourquoi ces photos?", lui demande le procureur.
"Je ne me souviens pas. Je me promenais et prenais des photos"
"Pourquoi?", insiste le magistrat.
"Pour les envoyer à des amis de l'EI".
"Pour qu'ils approuvent un attentat? sur ces lieux?"
"Oui", rétorque Akilov.
L'un des enjeux du procès, inédit dans le pays scandinave, est de déterminer s'il a bénéficié de complicités actives. L'étude de son téléphone portable a révélé de nombreux contacts avec des interlocuteurs étrangers sur des messageries cryptées, sans que les enquêteurs n'aient pu les identifier. Akilov affirme ne pas connaître leur véritable identité et n'en avoir jamais rencontré aucun.
Pour le Parquet, l'audition de Rakhmat Akilov, qui préparait son geste depuis trois mois et voulait selon ses termes réitérés mardi "écraser des infidèles", doit permettre de mieux comprendre "le processus de radicalisation" islamiste des auteurs "marginalisés dans un pays étranger".
Akilov a expliqué en russe devant le tribunal avoir agi dans le but de voir la Suède "arrêter sa participation dans la lutte contre le califat et qu'elle cesse d'envoyer ses soldats dans les zones de guerre", sans toutefois avoir été "influencé" par d'autres attaques en Europe.
Le projet d'Akilov "s'intègre dans un cadre plus large" du terrorisme jihadiste, estime le procureur Hans Ihrman.
Selon son avocat, l'accusé avait l'intention de mourir lors de l'attentat, abattu par la police ou tué par une bombe artisanale trouvée dans la cabine du camion. Les bouteilles de gaz se sont enflammées sans exploser.
Akilov entendait "combattre l'ennemi [...] avec les mêmes moyens qu'il utilise pour nous combattre", a-t-il déclaré devant la Cour d'une voix assez faible mais assurée. "Par l'explosion, je serais mort en martyr", a-t-il ajouté.
Rakhmat Akilov s'était enfui mais avait été arrêté quelques heures plus tard. Il avait reconnu sa responsabilité dès son premier interrogatoire, et avait plaidé coupable dès l'ouverture du procès, le 13 février.
Après avoir été débouté par l'Office des migrations en juin 2016, Rakhmat Akilov était entré en clandestinité pour éviter son expulsion.
Père de quatre enfants, consommateur d'alcool et de stupéfiants selon des collègues ou connaissances, il vivait seul en Suède, sans sa famille.
"Mes clients se demandent notamment s'il exprime du regret", face à son geste a expliqué Göran Hjalmarsson, avocat de victimes.
Au premier jour de son audition, Rakhmat Akilov n'a pour le moment exprimé aucun regret et justifie au contraire son acte.
"J'ai ainsi agi car mon coeur et mon âme souffrent pour les victimes des bombardements de la coalition de l'OTAN", a déclaré l'accusé.
"Jusqu'à présent, c'est évident que nous avons affaire à une personne convaincue de la splendeur de son acte", a indiqué Gustaf Linderholm, avocat de 13 rescapés, à l'AFP.
Les premiers jours d'audience ont été consacrés à l'énoncé précis des événements par le ministère public.
Le parquet entend requérir la détention à perpétuité pour acte terroriste et tentative d'acte terroriste.
Avec AFP