Une bombe artisanale a explosé dimanche matin, faisant deux blessées, dans une église de la ville de Beni, une première dans cette région de l'est de la République démocratique du Congo, où sévit le meurtrier groupe armé des ADF, dont les liens avec l'organisation État islamique sont plus que jamais en débat.
"L'explosion a eu lieu à 6H00 (4H00 GMT). (...) C'est une bombe artisanale" qui avait été placée à l'intérieur de l'église, a déclaré à l'AFP le colonel Narcisse Muteba Kashale, maire policier de Beni-Ville (Nord-Kivu, est).
Deux femmes ont été blessées, l'explosion ayant eu lieu avant l'heure d'affluence des fidèles pour une importante cérémonie de sacrement de confirmation aux enfants, a précisé à l'AFP le vicaire général de Beni, monseigneur Laurent Sondirya.
"Ils ont visé une grande foule parce que la cérémonie va réunir des enfants, leurs parents et des fidèles", a expliqué le prélat catholique. "La messe pour administrer le sacrément de confirmation ne sera pas reportée", a martelé Mgr Sondirya.
Des traces de sang étaient visibles à l'entrée de l'église, a constaté le correspondant de l'AFP dans la ville. Des éclats des vitres et des morceaux de bois étaient éparpillés à l'intérieur, à côté d'appareils de sonorisation très endommagés.
La déflagration a été entendue à la ronde dans la paroisse Emmanuel Butsili, située dans un quartier populaire de Beni-ville, selon des témoins interrogés par l'AFP.
Des experts de la Mission de l'ONU en RDC (Monusco) et de la mairie de Beni se sont rendus sur place et ont sécurisé le périmètre.
"Nous avons institué une commission sécurité au sein de la paroisse. On doit être vigilants", a déclaré à l'AFP le père assomptionniste Isidore Kambale, curé de la paroisse.
C'est la première fois qu'un édifice appartenant à l’Église catholique, religion la plus importante dans la ville, est directement ciblé dans le territoire de Beni où des membres du groupe Forces démocratiques alliées (ADF) sont accusés d'avoir tué 6.000 personnes depuis 2013, selon un décompte de l'épiscopat.
Une deuxième bombe artisanale
Samedi, une autre bombe a explosé dans la ville, à côté d'une station d'essence à la sortie de Beni, sans faire des dégâts. "C'était une bombe artisanale cachée sous un camion-remorque qui avait explosé, mais mes services ont cru qu'il s'agissait d'une crevaison. Mais ce matin, j'ai constaté qu'il y avait des éclats exactement comme dans l'église", a indiqué à l'AFP le maire de Beni, le colonel Muteba.
En février 2014, des ADF étaient soupçonnés d'avoir enlevé à Mbau trois prêtres assomptionnistes de Beni qui sont toujours portés disparus et aucune revendication de leur enlèvement n'a été formulée jusqu'à ce jour.
En mai, deux imams de la ville de Beni, réputés pour leurs discours hostiles aux violences exercées par des ADF, ont été tués par balles à l'intérieur de leur mosquée ou après la prière du soir.
A l'origine des rebelles musulmans ougandais, les ADF ont fait souche depuis plus de 25 ans dans cette partie de l'Est de la RDC, dans la province du Nord-Kivu, d'où ils n'attaquent plus depuis longtemps l'Ouganda voisin.
Les ADF sont accusés d'avoir massacré des centaines de civils depuis le lancement d'opérations militaires contre leur base dans la jungle autour de Beni en novembre 2019.
Le 11 mars, les États-Unis ont placé les ADF parmi les "groupes terroristes" affiliés au groupe État islamique (EI). De nombreuses questions se posent depuis lors sur la réalité et la profondeur de leurs liens supposés avec l'EI.
Le 6 mai, le président Félix Tshisekedi a décrété l'état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri en vue de mettre un terme aux activités meurtrières de la centaine de groupes armés locaux et étrangers recensés dans l'est congolais par le Baromètre sécuritaire du Kivu (KST en anglais). Les ADF sont le plus meurtrier de ces groupes.
Mi-juin, le président Tshisekedi s'est rendu à Beni, où il a appelé la population à "collaborer" avec les forces de sécurité face aux ADF, un "ennemi sournois".