Au Bénin, le combat des maternités contre la transmission du sida aux bébés

La population participe à la marche de Médecins du monde qui encourage le dépistage du VIH et du Sida près de Cotonou, Bénin, le 1er décembre 2007.

Depuis 15 ans, le Bénin a mis l'accent sur la lutte contre la transmission du virus de la mère à l'enfant, du dépistage à l'accès aux antirétroviraux en cas de séropositivité.

Rosine est soulagée: enceinte de son quatrième enfant, la quadragénaire vient d'apprendre qu'elle n'a pas le sida. Venue pour une consultation prénatale à la maternité de Bohicon, ville du sud du Bénin, elle a été dépistée gratuitement.

"J'avais peur que le test soit positif. Mon mari est chauffeur, vous savez", confie à l'AFP cette femme aux traits marqués, vêtue d'un bomba, un pagne traditionnel.

Le programme couvre aujourd'hui 87% des maternités publiques et privées. Et c'est un succès: la transmission de la maladie de la mère à l'enfant a été divisée par deux entre 2012 et 2016, passant de 14 à 7,6%.

"C'est complètement intégré à la santé maternelle, c'est une routine", confirme Blandine Mekpo, sage-femme depuis 11 ans. "Toutes les femmes qui viennent en consultation prénatale acceptent le test".

Elise tient son fils, prénommé Elisé, dans ses bras. Il y a quinze mois, la jeune maman a appris qu'elle était porteuse du VIH. La maternité lui a aussitôt remis une boîte de 30 médicaments antirétroviraux (ARV).

Le traitement est gratuit, et s'est révélé efficace. Son nourrisson de 6 mois, qu'elle allaite, n'a pas été contaminé.

"C'est une grande joie. Les soins m'ont sauvée, ils ont sauvé mon fils et mon mari. Il est le seul à savoir. Je vis normalement, comme toutes les femmes et toutes les mères", raconte-t-elle avec un timide sourire. La sérologie du fils d'Elise sera toutefois suivie de près jusqu'à ses 18 mois.

"Quand la maman prend les ARV, elle ne transmet pas le virus à son enfant, ni pendant la grossesse, ni à l'accouchement ou l'allaitement", rappelle Blandine Mekpo. Le risque de transmission est en effet inférieur à 1%, contre 35% en l'absence de traitement préventif.

Même si le taux de prévalence du VIH est faible dans le reste du pays (1,2%), à la maternité de Bohicon, sur 100 naissances enregistrées par mois, on dépiste en moyenne 2 cas séropositifs. Cette année, un seul enfant a été infecté.

Impliquer les maris

Ces bons résultats tiennent à plusieurs facteurs. D'abord la gratuité. Ensuite la disponibilité des réactifs, fournis par l'Unicef, et des ARV, offerts par le Fonds Mondial de lutte contre le sida. A Bohicon, le dépôt se trouve même dans l'enceinte de l'hôpital.

"Avant il y avait des risques de rupture car tout était stocké à Cotonou", la capitale économique au sud, explique le docteur Nicole Paqui, chargée du programme sida à l'Unicef. "Aujourd'hui, les tests et les médicaments sont disponibles de façon permanente dans toutes les zones sanitaires".

La formation des infirmières et des aides-soignantes a aussi permis un meilleur accueil dans les maternités. Le sida est moins tabou et le personnel n'a plus peur lorsqu'un nouveau cas est détecté.

Mais à Bohicon comme ailleurs, les difficultés subsistent. Il arrive que les hôpitaux perdent de vue des patientes infectées. Les unes abandonnent à cause des effets secondaires, quand d'autres n'assument pas leur maladie par peur de la stigmatisation.

Parfois la raison est d'ordre financier, lorsque les maris ne donnent pas l'argent du transport jusqu'au centre de santé.

Pour lutter contre ce phénomène, des médiatrices accompagnent les femmes dans leur parcours de soins. "Lorsqu'elles constatent que certaines ne viennent plus, elles vont dans les foyers pour les chercher", explique le docteur Blaise Guezo-Mevo, coordonnateur de la zone sanitaire.

Selon lui, 70% des femmes sont ainsi retrouvées. "Et quand on les récupère, on ne les perd plus".

Mi-novembre, le ministère de la Santé a lancé une campagne ambitieuse pour faire chuter d'ici 4 ans la transmission mère-enfant à moins de 5%.

Pour y parvenir, il faudra aussi s'adresser aux hommes. "L'implication des conjoints est indispensable", constate le docteur Paqui.

"Quand l'homme est informé et soutient son épouse, elle va jusqu'au bout. Mais si elle doit se cacher, le protocole n'est pas efficace".

Elise a cette chance. Son mari est venu faire le test, négatif, et il vient même chercher ses médicaments à la maternité.

"Dépister les maris restent difficiles, témoigne Blandine Mekpo. Pourtant le dépistage, c'est l'affaire du couple".

Avec AFP