85% des cas devant les tribunaux camerounais portent sur le foncier

Une femme dans un champ au village Mbondjo II, dans le Littoral, le 28 décembre 2020.

Le gouvernement camerounais envisage de faire aboutir le processus de réforme foncière avec le document de stratégie nationale pour le développement du pays. Plus d’une centaine d’organisations de la société civile viennent de rendre public leurs propositions. L’ancienne date de 1974.

Les propositions sont contenues dans un document intitulé, "Note de politique foncière de la société civile". Il a été présenté aux députés au cours d’une session du dialogue parlement –gouvernement, rapporte à VOA Afrique, Flora Lamero, chargée de la communication au Centre pour l’environnement et le développement.

L’activiste des droits fonciers Marie Noëlle Etonde Mbella à côté d’une plantation de l’agro-industrie Socapalm à Mbondjo, le 28 décembre 2020. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

8 propositions de la société civile

Elles émanent des chefs traditionnels, des représentants des peuples autochtones, des femmes et des jeunes des 10 régions du pays intéressés par la gestion de la terre. "On propose qu’il y’ait des cadres de dialogue au niveau de chaque commune, chaque arrondissement qui rassemblent tous les acteurs et qui discutent régulièrement des questions foncières et on saura en ce moment-là très rapidement s’il y’a quelqu’un qui est en train d’acquérir des droits et ceux qui ne sont pas d’accord pourront immédiatement en parler", a indiqué au cours d’une conférence de presse Samuel Nguiffo, qui a coordonné la rédaction de la note.

Un député camerounais contacté confie sous anonymat à VOA Afrique avoir "apprécié la proposition visant à rétablir la justice sociale pour les populations autochtones". Cette proposition est aussi vivement soutenue par le juriste Romuald Ngono, qui a également participé à l’élaboration des propositions sur la réforme foncière.

"Si on reconnait les droits fonciers à ces groupes spécifiques ainsi que leurs modes de règlements des litiges fonciers, cela va accroître la justice par les parties elles-mêmes et la réduction du taux élevé du contentieux foncier devant les tribunaux conventionnels", martèle Romuald Ngono.

85% de la superficie des terres sont non immatriculés

Ces terres se trouvent en zone rurale. Sans compensation pour les titulaires des droits coutumiers, ces vastes espaces sont cédés pour des grands projets d’investissement et d’infrastructures. "Nous pensons qu’il faille adopter un moratoire sur les cessions de terres à grande échelle", a défendu Michelle Sonkoue, qui a facilité la stratégie nationale d’engagement au Cameroun.

Cette plate-forme qui œuvre pour la gouvernance foncière centrée sur les personnes démunies et vulnérables propose qu’on "intègre davantage les communautés locales dans la gestion et processus d’attribution des terres puisqu’elles subissent très tôt les impacts négatifs des terres acquises pour les grands projets".

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La réforme pour rattraper beaucoup de retard

Selon le document de stratégie nationale pour le développement, la nouvelle réforme foncière vise à faciliter et à protéger les investissements agricoles et industriels au Cameroun. Mais la société civile propose avant toute chose un audit de la propriété foncière.

"Cet audit de la situation des concessions foncières va permettre de savoir si ces concessions sont toujours dans les surfaces qui leur avaient été attribuées, combien ces concessions paient, est-ce que cela correspond aux défis de l’heure", fait remarquer Moise Mbimbe Nlom, coordonnateur d’action pour le développement communautaire.

La société civile a également proposé la reconnaissance des droits fonciers des femmes dans le cadre d’un régime coutumier collectif encadré localement suivant les principes coutumiers. "Si on ne les concède pas aux femmes, on va poursuivre notre plaidoyer", avise Elisabeth Gelas du Centre régional d’appui et de développement des initiatives féminines.

Les pouvoirs publics entendent également élaborer le code rural et le code pastoral pour un meilleur encadrement de ces activités. Selon les statistiques du ministère de la justice, la plupart des affaires traitées devant les tribunaux portent sur le foncier.