Au Cameroun, de la prévention du sida jusque dans les hôtels de passe

Vue sur l'hôpital de Mfou, à 30 kilomètres de Yaoundé, accueille des patients atteints par le sida, au Cameroun, le 27 septembre 2007.

Hôtels de passe, vidéo-club, boîtes de nuit, lieux de rencontres plus ou moins avouables... de jeunes militants anti-VIH ont cartographié les zones à risque à Guider (Cameroun) à l'appui de leur plan de bataille contre les nouvelles transmissions.

Deux immenses cartes sont punaisées au mur à l'état-major du Club des Jeunes pour la lutte contre le Sida (CJLS) de la ville de Guider, dans la région Nord à dominante musulmane du Cameroun.

Sur de larges feuilles de papier craft, les membres de l'association ont dessiné les quartiers de leur ville et marqué certains emplacements à l'aide de petits papiers colorés.

"Cette cartographie recense les zones à risque pour la transmission du VIH Sida", explique Boris Mbaho Tchaptchet, un grand gaillard de 21 ans. "Nous avons localisé les hôtels de passe, les vidéos clubs, les cabarets, les lieux obscurs et de rencontre.... afin de mettre en place un plan d'action et de prévention dans notre communauté".

All In

Le CJLS de Guider intervient dans le cadre du projet "All In ! End adolescents Aids" (Tous ensemble pour en finir avec le sida des adolescents) lancé en août 2015 au Cameroun, en collaboration avec l'Unicef.

"Cette plateforme regroupe toutes les interventions de lutte contre le VIH dans le pays à destination des jeunes", résume Jules Ngwa Edielle, en charge de la prévention du VIH auprès du ministère camerounais de la Jeunesse et de l'Education civique.

Les autorités coutumières, religieuses et administratives locales facilitent le travail de terrain. Le nombre d'enfants et d'adolescents (0-19 ans) vivant avec le VIH au Cameroun est estimé à 79.771, mais les données restent floues pour cette tranche d'âge.

Avec ses camarades du CJLS, Bouba Saliou, 21 ans, a reçu une formation pour devenir "paire éducateur". "Mon rôle c'est de causer avec d'autres jeunes, de leur poser des questions pour comprendre leur situation et les encourager à se faire dépister", raconte-t-il d'une voix posée.

Le jeune homme est en contact avec un adolescent de 17 ans qui a découvert son statut séropositif grâce à l'action du "paire éducateur". "Il était très en colère contre moi lorsqu'il a obtenu ses résultats. Mais aujourd'hui on se parle régulièrement et il me dit qu'il suit bien son traitement", se félicite Bouba.

Approche communautaire

L'approche communautaire est un ressort essentiel pour atteindre l'objectif "90-90-90" fixé par l'Onusida, et repris par la conférence qui a lieu actuellement à Paris: à l'horizon 2020, 90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90% reçoivent un traitement anti rétroviral durable, et 90% des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement supprimée.

"Nous en avons fait l'expérience au Nord avec l'association No limits for women project", témoigne Thérèse Nduwimana, responsable de la section VIH à L'Unicef Cameroun. "Avec seulement 40.000 dollars par an, les résultats ont été spectaculaires. En quelques mois, le nombre d'enfants séropositifs identifiés a été multiplié par quatre".

L'isolement des patients va souvent de pair avec une pénurie de personnel médical. Ainsi l'hôpital de Garoua, qui dessert une région de 2,7 millions d'habitants, ne compte qu'un pédiatre et un gynécologue.

Suivi des patients

Ce matin là, un groupe d'une trentaine de femmes enceintes ou allaitant leurs enfants sont réunies devant un des centres de santé de la ville.

Après s'être bousculées dans un couloir étroit, les jeunes mères entrent dans une petite salle pour bénéficier d'un test de dépistage rapide du VIH: une goutte de sang déposée sur une bandelette, pour un résultat quasi-immédiat.

"Nos bénévoles ont fait du porte à porte pour encourager chaque femme enceinte à se faire tester", explique Odette Etame, à la tête de l'association Nolfowop. "Des mères mentors pourront accompagner physiquement les femmes et les enfants pour la prise du traitement anti-rétrovirales, lors de visites à domicile".

Une manière de limiter "les perdus de vue", ces patients qui une fois rentrés chez eux finissent par abandonner leur traitement. A Yaoundé, Thérèse Nduwimana indique que certaines ONG ont été sélectionnées pour distribuer elles-mêmes des traitements anti-rétroviraux, afin d'éviter aux patients un long détour par le centre de santé.

Avec AFP