A Accra, l'acteur Idris Elba porte l'étendard du cinéma africain

L'acteur Idris Elba arrive à la 76e cérémonie des Emmy Awards au Peacock Theatre à Los Angeles le 15 septembre 2024.

"Lancez-vous": invité prestigieux de la deuxième édition du Sommet du cinéma africain à Accra, la capitale ghanéenne, l'acteur Idris Elba veut défendre et promouvoir l'industrie cinématographique du continent.

L'acteur aux deux passeports britannique et sierra-léonais, né d'une mère ghanéenne, s'est fait connaître du grand public par ses rôles dans la série américaine désormais culte "Sur Ecoute" ("The Wire") puis dans la série britannique "Luther" dont il tient la tête d'affiche et pour laquelle il a décroché un Golden Globe. Avec une filmographie mêlant blockbusters ("Prometheus", Pacific Rim", "Thor"...) et films plus indépendants ("Mandela: un long chemin vers la liberté", "Beasts of no Nation" sur un enfant-soldat en Afrique), il jouit d'une notoriété mondiale et d'un nom qui pèse dans l'industrie, de l'Europe à Hollywood.

Son nouveau cheval de bataille : le cinéma africain, qu'il entend développer sur le continent et sur la scène internationale. "Le cinéma africain n'est pas jeune. Nous existons depuis longtemps, mais nos histoires n'ont pas encore trouvé leur place dans ce paysage plus large", explique à l'AFP l'acteur de 52 ans en rappelant le riche héritage des films africains francophones. Pour lui, il faut avant tout améliorer les canaux de distribution et relier les réalisateurs et les spectateurs sur le continent africain, car l'essor du cinéma africain passe par l'Afrique.

Remplir les salles africaines

"Nous avons besoin de spectateurs, nous devons remplir les salles de cinéma avec nos populations", estime M. Elba, également scénariste, producteur et DJ à ses heures perdues. Le continent africain, dont la population est la plus jeune au monde selon les Nations unies, ne compte que 1.700 salles de cinéma, contre 44.000 aux Etats-Unis et 75.500 en Chine. Selon M. Elba, les cinéastes africains doivent prendre le contrôle de leurs propres récits et ne pas compter uniquement sur les géants mondiaux de la diffusion comme Netflix ou Prime.

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Tout en reconnaissant la valeur de ces plateformes pour présenter le contenu africain au public international, il insiste sur le fait que le véritable succès réside dans le renforcement des capacités et des infrastructures locales, afin de "pénétrer les marchés internationaux" mais aussi "les marchés africains". Juliet Asante, directrice générale de la National Film Authority du Ghana, partage les sentiments d'Elba : "L'Afrique compte 1,5 milliard d'habitants, dont la plupart ne sont jamais allés au cinéma. Pourtant, il s'agit de la prochaine génération de consommateurs de cinéma". Encore faut-il créer un écosystème viable, permettant de financer la création de films en Afrique et d'assurer leur distribution.

Juliet Asante reconnaît les difficultés persistantes de financement de l'industrie cinématographique africaine et "appelle davantage d'investisseurs à s'y intéresser", comme "la diaspora" et "les gouvernements". Les pays africains souffrent d'un manque d'investissements structurels dans cette industrie qui génère environ 5 milliards de dollars par an. Mais "une hausse des investissements permettrait de créer plus de 20 millions d’emplois et de générer 20 milliards de dollars de revenus par an", note l'Unesco dans un rapport de 2021.

Pour encourager l'industrie cinématographique locale, Idris Elba a investi dans deux projets de création de studios, au Ghana et à Zanzibar (Tanzanie), encore à l'état d'ébauche. Là où d'autres pourraient considérer les problèmes de financements, d'éducation ou d'infrastructures comme des freins, l'optimiste M. Elba, qui se décrit lui-même comme quelqu'un considérant toujours "le verre à moitié plein", voit des "opportunités en devenir".

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"Désormais, beaucoup de jeunes réalisateurs font des films avec leur téléphone", explique-t-il à l'AFP, s'enthousiasmant pour les possibilités que cela ouvre pour les aspirants réalisateurs africains qui ne sont plus limités par les coûts onéreux du matériel de tournage. "La frontière entre faire un film et rêver d'en faire un est beaucoup plus mince maintenant, lancez-vous, apprenez sur le tas", conseille-t-il.