Au Ghana, les églises font le pari du numérique face au Covid

Un pasteur s'entretient avec sa congrégation dans une église à Adenta le 18 avril 2021.

Messe en ligne, quête par paiement mobile, funérailles en streaming: au Ghana, pays ouest-africain aussi jeune que fervent, la pandémie de coronavirus a changé les pratiques des églises, plus nombreuses à faire le pari du numérique.

Depuis plus d’un an, les croyants ghanéens sont priés de se désinfecter les mains à l’entrée des établissements religieux, de garder leur masque durant la messe et de respecter une distanciation sociale d’un mètre entre les fidèles. Quant à l’office, sa durée ne peut plus excéder deux heures.

Une gageure dans l’un des pays les plus religieux du monde, où 71% de la population est chrétienne, pour la plupart pentecôtistes ou évangélistes.

"Nous suivons à la lettre les consignes, mais le Covid-19 a beaucoup affecté la fréquentation de notre paroisse", se désole le révérend Kofi Oduro Agyeman-Prempeh après son office du dimanche à l’église Destiny d’Adenta, en banlieue d’Accra.

Le pays a officiellement enregistré un peu moins de 100.000 cas de coronavirus, dont 779 morts.

Un caméraman filme un enterrement à Accra le 22 avril 2021.

"Les chiffres nationaux sont bas ces jours-ci mais je vois bien que la peur de la contamination est toujours présente. Pendant la messe, les fidèles sont plus hésitants quand il s’agit de se lever, de danser et de chanter", témoigne-t-il.

C'est pour rassurer ces fidèles inquiets que le révérend a inscrit son établissement sur la plateforme Asoriba, une application de mise en relation entre les fidèles et leur église. 2.500 établissements religieux sont inscrits sur cette plateforme.

Depuis 2015, cette dernière propose aux pasteurs des outils pour organiser les événements de la paroisse, surveiller la fréquentation des messes et communiquer avec les fidèles. Depuis l’arrivée du Covid-19 en mars 2020, les inscriptions ont bondi de 30%.

"La pandémie a validé tout ce que nous avions fait jusqu’ici", se félicite Saviour Kwaku Dzage, l’un des co-fondateurs d’Asoriba.

"Il est indéniable désormais que l'avenir sera numérique, y compris l'avenir des pratiques religieuses", dit-il.

Aux fidèles connectés, Asoriba offre également la possibilité de payer la quête en ligne.

"Même en temps de Covid, l’église a besoin de cet argent pour se développer et pour aider les nécessiteux. Et comme l’argent liquide est considéré comme un vecteur potentiel de contamination, le paiement en ligne semblait être la solution toute indiquée", explique l'entrepreneur.

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Le Ghana, centre de l’innovation et de la technologie

Funérailles en streaming

Si encore la moitié des Ghanéens n'ont pas encore accès à internet, la majorité de la population a moins de 30 ans et le taux de pénétration numérique s’est considérablement accéléré ces dernières années, passant de 23,5% en 2015 à 55,6% en 2020.

Alors le révérend Banister Tay, responsable des opérations de l’entreprise de pompes funèbres Transitions, ne veut pas passer à côté du tournant numérique.

Avant l’arrivée de la pandémie, les enterrements ghanéens étaient célèbres dans le monde entier pour leurs cérémonies fastueuses, avec musique traditionnelle, chants et danses.

Mais les funérailles privées ont depuis été réduites à leur plus simple appareil, avec un public limité à 100, puis à 25 personnes. "Ça a été un crève-coeur pour nous, soupire Banister Tay. "Il a fallu offrir une solution pour y assister virtuellement."

Car depuis 2018, Transitions propose un service de streaming pour les enterrements. Leur mantra : "numériser l’industrie des funérailles". "Quand le Covid est arrivé, nous avions déjà une longueur d’avance, affirme Banister Tay. Alors qu’à peine 1% de nos clients recouraient à nos services de streaming avant la pandémie, ils sont désormais près de 90%."

Pendant l’office, une équipe de tournage s’affaire entre les travées: trois caméras filment la cérémonie tandis qu’une autre est postée à l’extérieur pour capturer les arrivées.

Deux employés de Transitions s’occupent de gérer les images en direct et de collecter les dons envoyés en ligne.

"Le Covid-19 nous a enseigné qu’on peut assister à des funérailles sans bouger de chez soi, et sans y perdre grand-chose, professe le révérend. On s’est même rendu compte que les dons en ligne étaient supérieurs aux dons physiques !”

Banister Tay se dit optimiste pour l’avenir, et veut croire que les funérailles en ligne perdureront après la levée des restrictions.

"Une part non négligeable de notre audience sont des membres de la diaspora. Beaucoup de Ghanéens vivent à l’étranger et ne peuvent pas toujours revenir au pays quand ils perdent un proche. C’est aussi pour eux que nous avons pensé à cette solution."