Au large de la Libye, les secouristes soufflent, hantés par des images dramatiques

Migrants attendant d’être secouru au large de la mer méditerranée. (AFP / ARIS MESSINIS)

Après plusieurs journées dramatiques à assister des migrants en perdition en Méditerranée, les secouristes embarqués sur le voilier Astral reprennent leur souffle sur fond de mer agitée, encore hantés par les souvenirs de cris et de morts.

Jeudi matin, "la mer est en colère", rendant peu plausible un nouvel afflux dans la journée de bateaux de migrants en provenance de Libye, raconte un photographe de l'AFP, Aris Messinis, présent sur l'Astral.

Ces derniers jours, l'équipage du voilier affrété par l'ONG espagnole Proactiva Open Arms a apporté son aide à des milliers de migrants en détresse. Mercredi soir, un navire des gardes-côtes italiens est venu récupérer les corps de 29 personnes trouvés dans une embarcation surchargée d'hommes, de femmes, d'enfants.

Pour les membres d'équipage de l'Astral qui arrivent à résister au mal de mer, "c'est le moment de se reposer, de discuter et de prendre un peu de temps normal", précise Aris Messinis. Parce que les situations d'urgence vécues en début de semaine peuvent se reproduire, précise-t-il.

L'Astral est un navire de 35 mètres engagé depuis le printemps au large de la Libye. Dimanche, il était reparti en mission de sa base à Malte, avec six secouristes, le capitaine et son second, un mécanicien. Des Espagnols, deux Italiens et un Grec, qui ont longtemps oeuvré ensemble au large de l'île grecque de Lesbos.

Lundi, tous ont participé à l'aide apportée à plusieurs embarcations. Mardi matin, ils se sont retrouvés seuls dans un large secteur, les autres navires de secouristes faisant route pour l'Italie pour y acheminer des migrants secourus.

Et là, soudain, à nouveau une situation de cauchemar avec plusieurs bateaux de migrants.

"Il y a tous ces cris, les enfants qui pleurent, les hommes qui appellent à l'aide, les secouristes qui s'époumonent pour dire aux gens de rester calmes, de s'assoir, de ne pas bouger", explique Aris Messinis.

- 'S'ils n'avaient pas été là...' -

A bord d'un bateau en bois, où s'agrippent un millier d'hommes, de femmes et d'enfants, une petite fumée due à un court-circuit provoque un mouvement de panique, l'embarcation tangue et menace de chavirer...

Les photos témoignent de la détresse de ces migrants au regard fiévreux qui se jettent à l'eau par dizaines, implorent les secouristes, hissent les bébés au-dessus de la mêlée...

L'équipage de l'Astral parvient à rétablir le calme et à mettre à l'eau suffisamment de bouées et radeaux de survie pour que personne ne se noie.

"Ils ont sauvé des vies, ils ont vraiment sauvé des vies. S'ils n'avaient pas été là, on aurait parlé de centaines et de centaines de morts", note, admiratif, le photographe de l'AFP.

Dans un canot de 12 mètres, il n'y a plus rien à faire pour les 29 morts récupérés le lendemain par les gardes-côtes italiens.

Quand les migrants "partent dans la nuit, il y a toujours de l'eau qui entre dans le canot, cela provoque la panique, les gens se marchent dessus, certains se noient à l'intérieur, d'autres meurent étouffés", explique Aris Messinis.

Les échanges entre migrants en vie et secouristes restent brefs. "Pas le temps de discuter, seulement d'agir", résume le photographe de l'AFP. Il faut rapidement aider au transfert des survivants vers les navires venus en renfort parce que des centaines d'autres migrants sont encore en danger aux alentours.

Ces quelques minutes de contact direct sont pourtant essentielles pour les secouristes. "Les gens sont tellement soulagés d'être en vie, ils répètent +Dieu vous bénisse, vous êtes nos anges !+. C'est ça qui permet de tenir", raconte Aris Messinis.

Avec AFP