"Tirer directement sur la foule sans justification, y compris lorsque des manifestants tentent de fuir, est totalement inacceptable au regard du droit kényan et international", a déclaré dans un communiqué Otsieno Namwaya, directeur associé de HRW pour l'Afrique.
Lire aussi : "Je n'ai pas de sang sur les mains", dit le président kenyan William RutoUn précédent bilan de l'organisme officiel de protection des droits humains (KNHRC) a fait état de 22 personnes tuées dans le pays. Le Groupe de travail de réformes de la police, regroupement d'ONG locales dont la branche kényane d'Amnesty International, a affirmé avoir dénombré, au soir du 25 juin, 23 morts "causés par des tirs de la police".
Les autorités n'ont communiqué aucun bilan de cette journée, marquée notamment par la prise d'assaut du Parlement par des manifestants peu après que les députés eurent voté un projet de budget 2024-25 décrié instaurant des hausses de taxe. Au lendemain de cette journée meurtrière, le président William Ruto a annoncé le retrait du projet de budget et appelé à une concertation avec la jeunesse, à l'origine de cette contestation qui a ensuite gagné le pays.
HRW a élaboré son bilan sur la base "de témoignages, d'informations accessibles au public, de registres hospitaliers et mortuaires", chiffrant à 31 le nombre de tués. Ses enquêteurs ont notamment vu 26 corps de manifestants dans différentes morgues de Nairobi, et d'autres recherches "montrent que la police a tué au moins trois personnes dans la ville d'Eldoret, une personne à Nakuru et une à Meru", détaille HRW dans un communiqué.
Génération Z
Comme plusieurs autres ONG, elle accuse la police d'avoir tiré à balles réelles sur la foule, notamment devant le Parlement, et appelle "les autorités kényanes à enquêter rapidement mais de manière crédible et transparente sur les abus commis par les forces de sécurité".
HRW rapporte également le témoignage d'un militant de protection des droits humains affirmant que 22 personnes ont été tuées par des "militaires" à Githurai, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nairobi.
Lire aussi : Manifestations au Kenya : la police tire des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchoucSelon le militant, "huit officiers militaires (...) ont ouvert le feu sur les gens" et "ont tué plusieurs personnes, dont des personnes qui ne participaient pas aux manifestations. Lorsque les militaires ont arrêté de tirer sur les gens, nous avons confirmé qu’il y avait au moins 22 morts", a-t-il déclaré, cité par HRW, ajoutant que "les tirs des militaires, rejoints par la police, ont repris à 22H00 et se sont poursuivis jusqu'à 23H00" .
Après deux manifestations largement pacifiques les 18 et 20 juin, la troisième journée du mouvement "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement"), lancé sur les réseaux sociaux pour s'opposer au projet de budget 2024-25 du gouvernement dirigé par le président William Ruto prévoyant l'instauration de nouvelles taxes, a viré au bain de sang.
Cette contestation a fortement mobilisé au sein de la "Génération Z" (jeunes nés autour de l'an 2000), avant d'entraîner dans son sillage des Kényans de tous âges. Le mot d'ordre antitaxes est devenu antigouvernemental, aux cris de "Ruto must go" ("Ruto doit partir"). Ce projet de budget a cristallisé un plus large mécontentement de la population, frappée par les difficultés économiques depuis plusieurs années.
William Ruto avait été élu en août 2022 en promettant de défendre les plus modestes. Une fois au pouvoir, il avait pris des mesures d'austérité, augmentant notamment l'an dernier l'impôt sur le revenu et les cotisations de santé et doublant la TVA sur l’essence.
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Pour le gouvernement, ces mesures fiscales sont nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays. La dette publique du Kenya s'élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d'euros), soit environ 70% du PIB.