"On estime que 70 personnes ont été tuées et plus de cent blessées", dont six volontaires de la Croix-Rouge locale, affirme Elodie Schindler du CICR ajoutant que ce bilan pouvait encore évoluer.
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L'organisation des évacuations et des premiers secours représentent un défi dans cette région isolée, près de la frontière camerounaise, où sont toujours retranchés de nombreux combattants du groupe islamiste de Boko Haram.
Quelques heures après l'attaque de mardi, un hélicoptère et une équipe chirurgicale du CICR ont été déployés à Rann, dans le nord de l'Etat du Borno, où l'ONG Médecins sans frontières (MSF) coordonne la prise en charge des blessés.
Seuls neuf patients dans un "état critique" ont pu être évacués mardi vers Maiduguri, capitale de la région, relativement sécurisée.
Mercredi, à Rann, environ 90 patients attendaient toujours une évacuation d'urgence, dont 46 "grièvement blessés", et soignés "en plein air dans un environnement précaire", selon le CICR.
"Les conditions pour les soins post-opératoires ne sont pas adéquates, tous les patients doivent être évacués à Maiduguri le plus vite possible", a déclaré le Dr Laurent Singa, un chirurgien du CICR.
Six employés de la Croix-Rouge nigériane ont été tués et 13 blessés dans le bombardement.
Les frappes aériennes ont eu lieu mardi vers 09H00 (08H00 GMT) à Rann, au moment où les humanitaires distribuaient de la nourriture aux déplacés, forcés de fuir les violences.
"Une réponse d'urgence était peu à peu apportée dans cette localité qui était, il y a peu de temps encore, inaccessible" aux humanitaires, selon Edward Kallon, coordinateur des Nations unies pour le Nigeria.
Comme des centaines d'autres localités de la région, Rann et ses 43.000 déplacés souffraient déjà de "manque de nourriture et de sévère malnutrition".
A Maiduguri, hôpitaux publics, médecins et ambulances ont été placés en alerte dans le cadre d'un "plan d'urgence médical" déclenché par les autorités de l'Etat du Borno.
Plusieurs organisations humanitaires qui fournissent habituellement aux réfugiés des abris, de la nourriture ou de l'eau potable ont exprimé leur consternation.
Le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a parlé "d'événement vraiment catastrophique", réclamant une enquête approfondie pour que "cela ne se reproduise jamais."
Cette attaque est "choquante et inacceptable", selon le Dr Jean-Clément Cabrol, directeur des opérations de MSF, dont les équipes menaient une campagne de vaccination sur place.
Enfants en sang
Mausi Segun, spécialiste du Nigeria à Human Rights Watch a estimé que le gouvernement devrait offrir "une indemnisation rapide, adéquate et efficace aux victimes" du drame.
"Même s'il n'y a pas de preuve qu'il s'agit d'une attaque délibérée sur le camp, ce qui serait un crime de guerre, le camp a été bombardé sans distinction, en violation du droit international humanitaire".
Le général nigérian Lucky Irabor, qui commande les opérations militaires contre le groupe jihadiste Boko Haram, a affirmé que l'aviation avait reçu des informations faisant état de regroupements de "terroristes de Boko Haram" dans la région de Kala-Balge.
"C'est la conséquence du chaos de la guerre", a-t-il dit.
Des images diffusées après l'attaque montraient des enfants blessés, en pleurs, les vêtements déchirés et maculés de sang, ainsi que des corps allongés sur des nattes et recouverts de couvertures. Des patients soignés à même le sol et des baraquements du camp ravagés par le feu étaient aussi visibles.
Toby Lanzer, coordinateur humanitaire de l'ONU pour la région du Sahel, a déclaré à l'AFP: "Jamais au cours de mes 20 années de travail en zone de conflit, je n'ai vu une telle chose"
"Un avion militaire a bombardé par erreur Rann au lieu de Kala", une localité voisine, a affirmé par téléphone à l'AFP un habitant, Abba Abiso. "Ces dernières semaines, Boko Haram a déplacé sa base de la forêt de Sambisa vers Kala et un avion militaire a apparemment confondu Rann et Kala", a-t-il ajouté.
Le président nigérian Muhammadu Buhari a déclaré dans un communiqué qu'il avait appris avec "une profonde tristesse" ce bombardement qu'il qualifie de "regrettable erreur opérationnelle".
Ce bombardement survient alors que l'armée nigériane a revendiqué de nouvelles victoires contre la filiale du groupe État islamique en Afrique de l'Ouest.
Le mois dernier, l'armée a déclaré que le conflit entrait dans sa phase finale après presque huit années de violence qui ont fait au moins 20.000 morts et plus de 2,6 millions de déplacés.
Avec AFP