"Je n'ai pas peur de Boko Haram", lance bravement Baouchi Dao en brandissant son arc. Malgré la faiblesse de ses moyens, ce cultivateur peul de Toummour (sud-est du Niger), qui a perdu son fils dans une attaque des islamistes nigérians, veut aujourd'hui en découdre.
Face aux armes automatiques, mortiers ou roquettes dont dispose Boko Haram, Baouchi, 50 ans, propose son arc de fabrication rudimentaire - une ficelle bandée par une branche arrondie -, un carquois rempli d'une trentaine de fines flèches aux extrémités en fer acérées et un petit sabre dans un fourreau coloré.
Sans oublier sous son boubou, pour sa protection, des gris-gris, qu'il exhibe furtivement.
Visage scarifié, regard perçant, dents rougies par la consommation de noix de cola, Baouchi connait parfaitement la région qu'il arpente en permanence. "Notre culture (peule), c'est la terre et la chasse", explique à l'AFP l'homme aux traits durcis par la vie dans le désert.
Et pas seulement d'animaux: "J'ai tué un 'Boko Haram', je l'ai ligoté et j'ai amené son corps aux autorités", avance-t-il, sans que les personnes qui l'entourent ne le contredisent.
Les jihadistes et les Peuls, qui traitent souvent les éléments de Boko Haram de voleurs de bétail, sont des ennemis jurés. "Ils ont tué mon fils de 23 ans", rappelle Baouchi. "Ce ne sont pas des vrais musulmans. Les vrais musulmans ne se comportent pas comme ça. Ce n'est pas l'islam", assène-t-il.
Depuis l'attaque, Bosso est une ville fantôme où se croisent l'armée nigérienne et de rares habitants.
L'offensive, qui a fait 26 tués chez les militaires ainsi qu'un nombre inconnu de victimes civiles, a provoqué l'exode de 50.000 personnes dans un secteur qui compte déjà plus de 200.000 réfugies et déplacés provoqués par les attaques incessantes de Boko Haram.
"Je le flèche"
Les milices "se mettent en place sans les autorités, mais on ne va pas les interdire. Ils peuvent apporter quelque chose", confie, pragmatique, une source sécuritaire haut placée, alors que l'armée nigérienne est dépassée par l'ampleur de la tâche et peine à protéger son territoire.
Selon cette même source, des milices anti-Boko Haram existent aussi au Nigeria.
Baouchi est un de ceux qui veulent que les populations se défendent. Il assure qu'ils sont déjà une quarantaine à Toummour à s'organiser pour des "patrouilles et des comités de veille".
"Si on nous donne plus de moyens et qu'on s'associe entre les villages, on peut les vaincre", affirme-t-il. "C'est une question de temps".
Si son attitude et son équipement paraissent quelque peu folklorique de prime abord, il ne faut pas les sous-estimer. Les Peuls sont de redoutables chasseurs et guerriers, craints par les autres ethnies de la région.
Comme beaucoup d'observateurs, Baouchi souligne que les jihadistes bénéficient de complicités locales. "S'il n'y en avait pas, tout ça ne serait pas possible. Si je découvre que quelqu'un les aide, je le 'flèche'", lance-t-il.
L'attaque de Boko Haram contre Bosso ne l'a pas fait fuir. Il vit toujours dans la brousse, isolé avec sa famille - sa femme, huit enfants et cinq petits-enfants - et connait parfaitement la région.
Baouchi assure ne pas avoir peur. "S'ils viennent, je me défendrai. Je ne fuis pas. Si je dois mourir, Dieu en aura décidé ainsi".
Avec AFP