Pour remplacer le président Muhammadu Buhari, âgé de 79 ans et qui ne se représente pas au terme de ses deux mandats, deux principaux candidats s'affrontent. Il s'agit de Atiku Abubakar, du Parti démocratique populaire (PDP), et de Bola Ahmed Tinubu, du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC).
Mais à cinq mois du scrutin, aucun favori n'a encore émergé, et fait rare chez le géant ouest-africain qui a renoué avec la démocratie en 1999, les candidats des deux principaux partis ne semblent pas assurés de pouvoir l'emporter dès le premier tour.
"Contrairement aux six derniers scrutins, le vote de 2023 ne sera pas une course à deux candidats", souligne le professeur Dapo Thomas, de l'université de Lagos.
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M. Tinubu et M. Abubakar, tous deux septuagénaires, richissimes et controversés, devront convaincre les électeurs d'un pays où 60% de la population a moins de 25 ans, et où l'exaspération grandit à l'égard de la vieille classe politique accusée de corruption et de mauvaise gouvernance.
Aussi, un candidat outsider a émergé ces derniers mois. Il s'agit de Peter Obi du parti travailliste, un ancien gouverneur très populaire auprès de la jeunesse et qui bénéficie d'un important soutien sur les réseaux sociaux.
"Mais ce succès médiatique ne se traduit pas facilement en votes", fait remarquer le groupe de réflexion Eurasia. Il s'interroge sur la capacité de M. Obi et son parti à "pouvoir mettre en place, en moins de six mois", un réseau capable de mobiliser "les électeurs dans près de 180.000 bureaux de vote à travers le pays".
Au Nigeria, la participation est généralement faible (33% lors de la présidentielle de 2019) et les jeunes ne sont pas les électeurs les plus actifs.
La politique est aussi largement conditionnée par les soutiens et les millions de dollars que les candidats peuvent investir dans une campagne.
Au total, 18 candidats dont une femme se présentent. Le scrutin aura lieu le 25 février. Les Nigérians éliront également leurs représentants parlementaires à cette date.
La campagne qui s'ouvre officiellement mercredi durera cinq longs mois, ce qui, selon les analystes, pourrait accentuer les batailles internes au sein des partis et aggraver les divisions dans ce pays déjà extrêmement polarisé entre un nord musulman et un sud chrétien.
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L'un des sujets centraux de la présidentielle de 2023 est une spécificité nigériane: le "zonage". Selon cet accord tacite, la présidence doit alterner tous les deux mandats entre un candidat du nord, majoritairement musulman, et du sud, majoritairement chrétien.
Ce principe vise à maintenir l'équilibre dans un pays qui compte plus de 250 groupes ethniques et où les tensions entre communautés sont fréquentes.
Parce que le président Buhari est originaire du nord, la présidence devrait être briguée par un candidat du sud. Or le PDP a choisi d'ignorer le "zonage" en désignant M. Abubakar, issu du nord-est.
De plus, le parti au pouvoir, l'APC, présente un ticket "musulman musulman". M. Tinubu, musulman originaire du sud, a choisi un candidat à la vice-présidence de la même confession que lui.
La tâche s'annonce rude pour cet ancien gouverneur de Lagos qui bénéficie certes d'une immense influence, mais qui doit porter le bilan catastrophique des huit années au pouvoir de M. Buhari.
Le Nigeria traverse une grave crise économique depuis la pandémie de coronavirus, puis l'offensive russe en Ukraine, qui ont fait exploser les prix des produits alimentaires et du carburant.
La production pétrolière ne cesse de décliner dans le pays qui a perdu ces derniers mois sa place de premier producteur d'or noir sur le continent africain.
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D'ici à la fin de l'année, le nombre de personnes vivant dans la grande pauvreté devrait dépasser les 95 millions, soit près d'un Nigérian sur deux, selon les projections de la Banque mondiale. Les pénuries d'essence et d'électricité empoisonnent le quotidien de ses habitants.
Outre ce marasme économique, le Nigeria fait face à une insécurité quasi généralisée.
Chaque jour, le pays est meurtri par des violences perpétrées par des groupes criminels et/ou jihadistes, et les autorités, accusées d'être parmi les plus corrompues au monde, sont incapables de les endiguer.
"Les candidats de l'opposition, Atiku et Obi, bénéficieront d'un fort sentiment d'anti-establishment au début de la campagne", selon une analyse du groupe Eurasia.
"Mais les divisions au sein de l'opposition, les avantages du parti au pouvoir et les messages forts de Tinubu" devraient toutefois lui donner l'avantage une fois la campagne lancée, prédit-il.