Bob Dylan déroute avec son nouvel album

Bob Dylan sur scène à Los Angeles, en janvier 2012

Non content d'avoir attendu que sa tournée mondiale passe par la Suède pour recueillir, quatre mois après, son diplôme et sa médaille, le lauréat du Nobel de littérature offre au public...un nouvel opus de reprises.


Décidément, Bob Dylan, 75 ans, ne fait rien comme tout le monde. Le chanteur, qui doit recevoir ce week-end à Stockholm le Nobel de littérature pour son oeuvre poétique, préfère chanter les mots des autres dans un triple album, "Triplicate", paru vendredi.

Ceux qui espéraient découvrir les nouveaux textes du lauréat devront donc attendre. La star a préféré poursuivre son exploration des standards des années 40 et 50, entamée avec "Shadow in the Night" en 2015 et prolongée avec "Fallen angels" en 2016.



Comme dans ces deux disques, beaucoup de titres chantées par Frank Sinatra figurent dans "Triplicate". Où quand la plus fine plume de l'histoire du folk-rock américain persiste à s'attaquer à LA voix. Peut-être la plus belle que la chanson américaine ait connue.

Le 29 mai 2012, le président Barack Obama a décerné la Médaille de la Liberté à Bob Dylan.

Dylan qui reprend Sinatra, c'est évidemment la rencontre de deux monstres sacrés. Mais c'est d'abord un plaisir tout personnel pour Robert Zimmerman, le vrai nom du chanteur, qui a récemment raconté avoir été adoubé par le crooner.

Dans une rare interview accordée à l'écrivain Bill Flanagan, parue sur son site, Dylan explique avoir été reçu une fois chez Sinatra : "nous étions dans le patio un soir et il m'a dit +mon ami, toi et moi avons des yeux bleus, on vient tous les deux de là-haut+ en pointant les étoiles. +Les autres viennent juste d'ici+. Je me rappelle avoir pensé que c'était peut-être vrai".

Dylan qui reprend Sinatra, c'est ensuite tout l'art du contre-pied et de la marche solitaire pour celui qui depuis bien longtemps n'en fait qu'à sa tête et va là où personne ne l'attend.

'Voyage sentimental'

En 1966, le héros folk de la guitare acoustique franchissait le Rubicon de l'électrique. Dans les années 70, il s'affranchissait des formats radiophoniques avec des singles très longs comme "Hurricane" (8 min 33 sec).

Dans "Triplicate", Dylan effectue un "voyage sentimental" (un des titres de l'album s'intitule "Sentimental journey") dans l'âge d'or du songwriting américain.

Son choix s'est porté sur des chansons qui abordent des questions existentielles, comme "Stardust" de Hoagy Carmichael ou "Why Was I Born ?", popularisée par Billie Holiday.

"Ces chansons sont parmi les plus déchirantes qui aient pu être gravées sur disque et je voulais leur rendre justice", a-t-il expliqué à Bill Flanagan. "Maintenant que j'ai vécu ce qu'elles racontent, je ne les comprends que mieux."

Tandis que Sinatra chantait avec exubérance, Dylan opte pour la sobriété. Sur "The Best Is Yet to Come" (le meilleur est à venir), des mots que le crooner a fait graver sur sa propre tombe en guise d'épitaphe, Dylan délivre une interprétation douce et empreinte de blues.

Sur "When the World Was Young," adapté d'une chanson d'Edith Piaf, "Le chevalier de Paris", Dylan chante la nostalgie avec l'émotion du solitaire, quand Sinatra mettait une dose ardente d'espoir (1962) ou Aretha Franklin injectait tout son glamour (1969).

C'est à Stockholm donc que Dylan présente ce week-end sur scène les chansons de "Triplicate". Après quoi il poursuivra son "Never Ending Tour" (sa tournée sans fin entamée en 1988), deux soirs durant à Paris, le 20 avril au Zénith, et le 21 pour l'inauguration de la Seine Musicale.

Avec AFP