"Ces rapts sont le fait de Boko Haram", qui opère depuis 2015 dans cette région située à 1.500 km de Niamey et riveraine du Lac Tchad, un de ses repaires, à cheval entre le Niger, le Tchad et le Nigeria, assure à l'AFP un élu local.
Pour contrer les djihadistes nigérians, les autorités nigériennes ont décrété l'état d'urgence dès 2016, fermé des marchés, imposé un contrôle sur les ventes de carburant, des engrais et interdit la commercialisation du poisson et du poivron, privant les insurgés de ressources.
"Nous avons réussi à affaiblir Boko Haram avec les actions militaires mais aussi les mesures sécuritaires. Ils ont moins d'argent" tiré des rackets et de prélèvements forcés d'impôts et de taxes, avait expliqué un ministre à l'AFP.
Conséquence: "Ils ont changé leurs méthodes en raison de notre dispositif", avait-t-il poursuivi.
Pour renflouer les caisses, "ils enlèvent des gens et demandent des rançons", explique Moussa Tchangari, le responsable de l'ONG Alternative Espace Citoyen.
Un total de 179 personnes ont été enlevées depuis janvier 2019 dans des zones où les éléments de "groupes armés non étatiques" (dont Boko Haram) "sont très actifs", d'après les Nations Unies.
Les kidnappings sont souvent perpétrés de nuit dans des villages bordant la rivière Komadougou - frontière avec le Nigeria -, sur les îles ou sur les axes menant aux marchés, note un élu local.
"Ces enlèvements prennent des proportions inquiétantes pour les populations et les autorités", s'alarme Bako Mamadou, maire de Bosso, une commune théâtre de plusieurs enlèvements. Les rançons sont généralement versées en nairas (la devise du Nigeria) et peuvent "dépasser le million de francs CFA (plus de 1.500 euros)", détaille-t-il.
- les femmes particulièrement visées -
Pour Moussa Tchangari, ces demandes de rançon saignent les populations "à très faibles revenus", qui viennent déjà en aide à de milliers de déplacés et réfugiés fuyant les exactions de Boko Haram. "Ce sont les proches des victimes qui cotisent pour réunir les sommes exigées", explique-t-il.
Les habitants de Diffa sont surtout angoissés par la récurrence des rapts de femmes et de filles dont "certaines sont retenues définitivement" par leurs ravisseurs, rappelle le maire Bako Mamadou.
Sur 73 personnes enlevées au cours des cinq premiers mois de l'année, l'ONU a dénombré "13 femmes et 28 filles".
"Des parents fuient pour mettre leurs fillettes en lieu sûr", raconte Madou Adam, un habitant de Gueskérou, à la frontière entre le Niger et le Nigeria. Certains garçons kidnappés sont enrôlés comme combattants, les femmes épousées de force ou sont réservées "à des attentats-suicides", assure-t-il.
En 2018, des parlementaires de Diffa avaient demandé au gouvernement "d'agir vite" pour ramener les otages et "mieux sécuriser" leur région. Des ONG locales avaient également pressé le gouvernement nigérien "à rechercher et à libérer" les personnes enlevées.
Le rapt en juillet 2017 par Boko Haram de 39 personnes - 33 femmes et six garçons - avait provoqué une vive réprobation dans le pays. Quinze autres filles ont depuis été enlevées en novembre 2018.
"Les otages sont conduits dans les zones marécageuses du Lac Tchad, très difficiles d'accès, ce qui ne facilite guère les recherches", répond un responsable du gouvernorat de Diffa.
Le gouvernement "s'organise pour essayer de juguler ce problème", avait déclaré le ministre. Mais la donne se complique du fait qu'"il y a beaucoup de bandits aussi qui n'ont rien à voir avec Boko Haram mais se font passer pour eux."
Avec AFP