Bombardement de Bouaké en 2004 : pas de poursuites judiciaires contre les ministres français

Michele Alliot-Marie, membre du parti de droite des Républicains (LR), devant le Conseil national du parti de ce parti au Palais de l'Europe à Menton, dans le sud-est de la France, le 30 juin 2018. (Photo de VALERY HACHE / AFP)

La commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger les actes des ministres dans l'exercice de leurs fonctions, a décidé le 17 mai qu'il n'y avait pas lieu de saisir la commission d'instruction de la Cour, selon cette source.

Cette décision n'est pas susceptible de recours.

Le bombardement, le 6 novembre 2004, du camp de Bouaké par les forces du président ivoirien d'alors Laurent Gbagbo avait causé la mort de neuf militaires français et d'un civil américain, et blessé 38 soldats. L'armée française avait immédiatement détruit l'aviation ivoirienne, provoquant une vague de manifestations antifrançaises.

Peu après, quinze mercenaires russes, bélarusses et ukrainiens avaient été arrêtés à Abidjan par l'armée française, mais relâchés quatre jours plus tard. Puis, le 16 novembre 2004, huit Bélarusses avaient été arrêtés au Togo, parmi lesquels deux pilotes des avions Sukhoï-25 qui avaient mené le bombardement. Gardés à la disposition des autorités françaises, ils avaient pourtant été libérés.

Au cours de l'enquête, la juge d'instruction avait pointé le rôle des trois ministres dans les dysfonctionnements ayant permis ces libérations. Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier étaient alors ministres de la Défense, de l'Intérieur et des Affaires étrangères.

Ne pouvant instruire sur leurs actes, la juge avait demandé en février 2016 la saisine de la CJR. Mais le procureur général d'alors, Jean-Claude Marin, s'était abstenu.

Finalement saisie en janvier par son successeur François Molins, la commission devait se prononcer sur l'éventualité d'ouvrir une enquête contre les ministres pour "recel de malfaiteurs", "entrave à la manifestation de la vérité" et "non-dénonciation de crime".

Mais, selon la source judiciaire, la commission a estimé que l'inaction des ministres ne suffisait pas à constituer l'infraction de recel, que l'entrave supposait un acte positif, ici non démontré, et que la non-dénonciation impliquait de pouvoir prévenir ou limiter les effets du crime.

En janvier, François Molins avait lui aussi estimé que "les éléments constitutifs de l'infraction n'étaient pas là". Toutefois, "par souci d'impartialité" - il fut directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie au ministère de la Justice -, il avait saisi la commission des requêtes pour qu'elle se prononce à son tour.

Le 7 janvier, un ex-mercenaire bélarusse et deux officiers ivoiriens, qui n'ont jamais été remis à la France, ont été renvoyés aux assises dans ce dossier.