"L'impeachment est inscrit dans la Constitution, mais ici nous parlons d'un cas très concret, sans crime de responsabilité, et cela s'appelle un coup d'Etat", a-t-elle lancé au palais présidentiel, sous les vivats de ses partisans criant "il n'y aura pas de coup d'Etat!".
Malgré son air combatif, Dilma Rousseff est plus que jamais fragilisée au lendemain du divorce de son principal allié, le parti centriste PMDB du vice-président Michel Temer, qui ne cache plus sa hâte de la remplacer en cas de destitution.
Dans un pays coupé en deux, chaque camp oeuvre en coulisses pour convaincre les députés un à un avant un vote sur cette question, prévu mi-avril.
L'opposition de droite doit réunir 342 députés sur 513, les deux tiers pour approuver la mise en accusation de Mme Rousseff devant le Sénat, qui aura le dernier mot.
Le camp présidentiel mise lui sur les députés fidèles à la coalition dirigée par le Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir mais aussi sur l'abstention, pour empêcher les pro-impeachment d'atteindre le nombre de votes nécessaire.
Visant les partis hésitants du "grand centre" mou de sa coalition, il leur propose en échange les ministères laissés vacants par le PMDB et les 600 postes qu'il contrôlait au sein de la machine gouvernementale.
Selon Jaques Wagner, chef de cabinet de Mme Rousseff, un premier résultat de ces tractations pourrait aboutir dès vendredi, avec un remaniement ministériel.
"Le programme du gouvernement est maintenant de conquérir des votes au Congrès des députés et la meilleure façon de le faire est d'élargir notre base d'alliés", a-t-il expliqué.
L'opposition de droite mise au contraire sur un effet domino inverse en sa faveur, proposant elle aussi les postes d'un futur gouvernement de transition dirigé par Michel Temer jusqu'aux prochaines élections prévues en 2018.
Calculette à la main
Les pro et anti-impeachment " ont tous la calculette à la main en train de compter les votes, de les négocier contre des postes et des ministères", explique à l'AFP Michael Mohallem, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas, à Rio de Janeiro.
"Le gouvernement, aujourd'hui, a encore les votes suffisants pour se sauver mais il est à la limite: entre 170 et 190, 200 si l'on est optimiste", évalue cet analyste.
Or "la situation est très instable" et le vent politique souffle contre la présidente, embourbée dans une crise politique historique, sur fond d'un scandale de corruption et de récession économique, à quatre mois des jeux Olympiques de Rio de Janeiro.
Selon un sondage de l'institut Ibope dévoilé mercredi, huit Brésiliens sur dix ne lui font plus confiance. Et son gouvernement affiche le pire taux d'approbation depuis 25 ans, à 10%.
Dilma Rousseff n'est pas visée directement par l'enquête sur le scandale de corruption Petrobras qui éclabousse son parti mais tout autant le PMDB.
L'opposition l'accuse toutefois d'avoir maquillé les comptes de l'Etat pour cacher l'ampleur des déficits publics en 2014, année de sa réélection, puis en 2015.
Elle se serait ainsi rendue coupable d'un "crime de responsabilité" administrative, prévu par la Constitution, ce qu'elle nie, arguant que tous ses prédécesseurs ont fait de même.
Signe de la gravité de la situation, Mme Rousseff a annulé un voyage aux Etats-Unis pour participer jeudi et vendredi à un sommet sur la sécurité nucléaire.
Le Parti des travailleurs (PT) au pouvoir depuis 13 ans et sa mouvance syndicale ont appelé la gauche à manifester massivement jeudi "en défense de la démocratie" et de Dilma Rousseff, espérant faire pression sur les députés encore hésitants.
Avec AFP