Lundi, le pays célèbre la journée de la Conscience noire avec de nombreuses manifestations culturelles mais aussi des débats pour changer les mentalités, notamment au sein des entreprises.
Les chiffres sont implacables : selon l'Institut Brésilien de Géographie et Statistiques, parmi les 54% de Brésiliens noirs ou métis, seuls 5% occupent des postes d'encadrement.
Parmi les 10% des Brésiliens les plus riches, 70% sont blancs, tandis que 74% des Noirs font partie des 10% les plus pauvres. Dans les médias, les Noirs sont sous-représentés, dans la publicité les mannequins de couleur très rares.
Des inégalités qui sautent aux yeux dans la vidéo du "jeu du privilège blanc", lancée récemment par l'ONG ID_BR (Identités du Brésil).
Inspirée d'une expérience de BuzzFeed aux Etats-Unis, elle a été vue par 1,2 million d'internautes sur Facebook et reproduite dans plusieurs émissions télévisées.
Les règles du jeu sont simples: des lignes horizontales sont tracées au sol et les participants doivent faire un pas en arrière si les réponses à des questions posées signalent qu'elles sont victimes d'une inégalité -- ou en avant dans le cas contraire.
Les questions touchent la condition sociale, la vie au sein de la famille ou le niveau niveau d'études, mais aussi le racisme au quotidien, comme "avez-vous déjà entendu des commentaires désobligeants au sujet de vos cheveux?".
Au Brésil, une expression populaire qualifie une chevelure crépue de "cheveux mauvais".
Invariablement, à la fin du jeu, les Noirs se retrouvent en dernière ligne.
Discrimination positive
"Le privilège blanc, c'est de jouir d'une série d'avantages par rapport aux autres sans s'en rendre compte", explique à l'AFP Giovana Freitas, historienne de l'Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).
Un sondage de l'Institut Locomotiva montre par exemple que les hommes noirs diplômés universitaires gagnent en moyenne 29% de moins que les Blancs à qualification égale, 27% de moins pour les femmes.
"Si les Noirs gagnaient les mêmes salaires que les Blancs, 808 millions de réais (215 milllions d'euros) de plus seraient injectés dans l'économie", affirme Renato Meirelles, président de Locomotiva.
Depuis l'instauration de quotas dans les universités sous un gouvernement de gauche, il y a près de 15 ans, la proportion de Noirs et métis ayant accédé à l'enseignement supérieur est passé de 8% à 27%.
"Toutes ces politiques de discrimination positive ont commencé à faire effet, mais ces personnes diplômées ont encore beaucoup de mal à trouver leur place sur le marché du travail", déplore Esteban Cipriano, responsable des programmes d'éducation d'ID_BR.
Groupes de discussion
L'ONG agit auprès des entreprises pour qu'elles embauchent davantage de Noirs et de métis. Elle travaille par exemple avec Maria Filo, une griffe de vêtements de Rio de Janeiro impliquée l'an dernier dans une vive polémique à cause d'une collection aux motifs qui représentaient des scènes évoquant l'esclavage.
"Notre regard a changé grâce au dialogue. Tout le monde est plus attentif", explique Isabel Beaklini, responsable marketing de la griffe de vêtements.
Elle fait partie d'un groupe d'une douzaine d'employés de l'entreprise qui se réunissent avec ID_BR pour des débats mensuels autour de la couleur de peau.
"Certaines de ces réunions nous ont même amenés à renoncer à des campagnes qui auraient pu être jugées offensantes" pour les personnes de couleur, reconnaît Isabel Beaklini.
"Quand le groupe a été créé, j'étais émue parce que j'ai enfin pu m'exprimer sur des thèmes qu'on n'abordait pas auparavant", déclare Catia Fernandes, responsable produit de la griffe, une des deux personnes noires de l'entreprise qui participent à cette initiative.
Les mentalités commencent à évoluer, mais les questions raciales restent la source de nombreuses controverses.
Une marque a lancé récemment un papier hygiénique de couleur noire, avec comme slogan "Black is Beautiful".
Face au tollé, la campagne de publicité a été annulée et l'actrice (blanche) qui posait nue enroulée dans le papier noir a fait son mea culpa sur Twitter.
La semaine dernière, un célèbre présentateur de journal télévisé a été suspendu. Gêné par le son d'un klaxon, il avait glissé, sarcastique: "ça, c'est un truc de Noir", alors que la caméra tournait, avant un direct.
Avec AFP