Devant une Chambre des Communes qui renoue avec les débats enflammés sur la sortie du pays de l'Union européenne, le chef du gouvernement conservateur a jugé son texte "essentiel pour maintenir l'intégrité politique et économique du Royaume-Uni".
Boris Johnson a accusé l'Union européenne de menacer de créer "une frontière douanière dans notre propre pays" entre la Grande-Bretagne et la province d'Irlande du Nord. Son projet de loi représente un "filet de sécurité", une "police d'assurance", dont espère-t-il le pays n'aura pas à se servir.
"Aucun Premier ministre britannique, aucun gouvernement, aucun Parlement ne pourrait accepter" de telles conditions, a-t-il argumenté, répondant notamment aux critiques formulées par ses cinq prédécesseurs encore en vie.
Lire aussi : Brexit: l'UE exige le retrait du projet de loi britannique d'ici la fin du mois
De l'aveu même du gouvernement, ce projet de loi viole le droit international "d'une manière très spécifique et limitée" en contredisant certaines parties de l'accord de retrait de l'UE que Londres s'était engagé il y a moins d'un an à respecter, en particulier les dispositions douanières pour l'Irlande du Nord.
Exigeant le retrait des dispositions controversées au plus tard à la fin du mois, Bruxelles a menacé d'entamer une action en justice et y a vu un coup porté à la "confiance" mutuelle au moment où les deux parties n'ont plus que quelques semaines pour parvenir à un accord de libre-échange et éviter une rupture brutale et des droits de douane au 1er janvier prochain. Cette date correspond à la fin de la période de transition amortissant le divorce effectif depuis le 31 janvier dernier.
Si Boris Johnson dispose d'une large majorité qui rend peu probable un rejet du texte lors du premier vote lundi soir, les députés rebelles pourraient apporter dans les jours qui viennent un soutien décisif à un amendement présenté par le député Robert Neill qui limite les pouvoirs du gouvernement concernant toute atteinte à l'accord de Brexit.
La rébellion au sein des conservateurs s'est amplifiée lundi avec les critiques de Geoffrey Cox, un ancien attorney general (conseiller juridique du gouvernement) conservateur et favorable au Brexit, et l'ancien ministre des Finances Sajid Javid, qui a démissionné du gouvernement Johnson en février.
"Blocus" alimentaire
Ce projet a provoqué une nouvelle crise politico-diplomatique dans la saga du Brexit, qui a commencé il y a plus de quatre ans avec la victoire du "leave" au référendum.
L'accord conclu l'année dernière entre Londres et Bruxelles prévoit des dispositions douanières particulières pour l'Irlande du Nord, destinées notamment à éviter le rétablissement d'une frontière physique entre la République d'Irlande, membre de l'UE, et la province britannique, conformément à l'accord de paix de 1998 qui a mis fin à trois décennies de violences.
L'Irlande du Nord doit rester pendant quatre ans, soumise à certaines dispositions européennes, notamment concernant les échanges de marchandises. Mais pour Londres, l'UE menace de refuser de placer le Royaume-Uni sur la liste des pays autorisés à exporter des produits alimentaires vers ce territoire qui en fait partie, ce qui empêcherait les importations en Irlande du Nord à partir du reste du pays.
Si le projet de loi est approuvé, le gouvernement pourra unilatéralement prendre des décisions commerciales en Irlande du Nord, contrairement à ce qui avait été initialement convenu.
Malgré la crise déclenchée par ce projet, les discussions se poursuivent entre négociateurs britanniques et européens sur un accord de libre-échange.
Elles doivent reprendre cette semaine à Bruxelles mais une huitième session la semaine dernière n'a permis aucune percée majeure sur les principaux blocages, à savoir le respect par Londres de règles évitant de créer une concurrence inéquitable aux portes de l'UE et les conditions de l'accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques.
Les deux parties ont affirmé qu'un accord devait être conclu en octobre pour éviter un "no deal" revenant à l'introduction de droits de douane entre le Royaume-Uni et le bloc européen et risquant d'aggraver la crise économique historique provoquée par la pandémie liée au nouveau coronavirus.