Brexit : la peur au cœur de la campagne

Le Premier ministre britannique David Cameron arrive à un sommet de l'UE dans le bâtiment du Conseil de l'UE à Bruxelles, le 19 février 2016. (AP Photo/Martin Meissner)

Pour ou contre la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne? Les deux camps se déchirent et surtout s'accusent mutuellement d'agiter la menace d'une catastrophe si les électeurs ne suivent pas la voie qu'ils leur désignent au cours du référendum du 23 juin.

Le Premier ministre David Cameron, qui veut maintenir son pays dans le projet européen, ne manque pas une occasion de dire que les entreprises britanniques, les agriculteurs, les services de sécurité perdraient en cas de Brexit. Ou que le Royaume-Uni serait envahi par les migrants qui campent actuellement dans la "Jungle" de Calais (nord de la France).

Ce qui lui a attiré les critiques du maire de Londres, Boris Johnson, qui préconise au contraire que son pays sorte de l'UE et qualifie le discours de M. Cameron de "Project Fear" (Projet de la peur).

"Les agents du Project Fear -qui sont partout- nous disent que si nous quittons l'UE, cela mettra en danger la police, la justice et la coopération en matière de renseignements", a-t-il dénoncé.

"A chaque fois, le message est qu'un Brexit est vraiment trop effrayant. Mais la menace est tellement exagérée que cela devient du n'importe quoi", a-t-il ajouté.

Le ministre du Travail, Iain Duncan Smith, qui fait également campagne pour une sortie de l'UE, a lui aussi accusé les partisans d'un maintien de "propagande et menaces".

Mais en fait, les deux camps usent exactement des mêmes armes, selon les analystes.

"La réalité, c'est que pour l'instant, on observe surtout un Project Fear contre un autre", estime Raoul Ruparel, codirecteur du centre de réflexion Open Europe.

"Ce qui suggère que la campagne sera principalement menée sur la question des risques encourus", ajoute-t-il.

Pour l'archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, la campagne doit d'ailleurs porter "sur ce qui nous effraie".

"La peur de ce qui se passera si nous quittons (l'UE), la peur de ce qui se passera si nous restons. La peur est légitime", a-t-il jugé.

Ce terme de "Project Fear" a ses racines dans le référendum sur l'indépendance de l'Écosse, organisé en septembre 2014. Les pro-indépendance s'en étaient saisis pour dénoncer une campagne très négative menée par ceux qui voulaient rester dans le giron britannique.

De "l'espoir" et des "faits"

Aujourd'hui, ce sont ceux qui veulent sortir de l'UE qui s'en sont emparés.

Néanmoins eux aussi agitent des thématiques alarmistes en affirmant notamment que le pays, qui ne fait pourtant pas partie de l'espace Schengen de libre circulation des personnes, n'a aucun contrôle actuellement sur ses frontières, souligne Raoul Ruparel.

Iain Duncan Smith et les autres pro-Brexit ont aussi suggéré que le pays, en restant dans l'UE, serait plus vulnérable à une attaque terroriste du type de celle qui a endeuillé Paris en novembre.

"Avec des milliers de terroristes islamistes qui profitent de la crise des migrants, nous serions plus en sécurité hors de l'Europe", a déclaré mercredi dans un tweet le chef du parti eurosceptique Ukip, Nigel Farage.

Chaque camp refuse toutefois d'être taxé de catastrophisme, Boris Johnson affirmant qu'il offre de "l'espoir" tandis que David Cameron a dit jeudi proposer "des faits".

L'ancien Premier ministre Tony Blair a quant à lui appelé les partisans du maintien dans l'UE à mener une campagne pleine de "passion, de vigueur et de détermination", se disant "préoccupé" par la ferveur et l'enthousiasme affichés par les partisans du Brexit.

Les sondages indiquent que le vote sera serré. "Rester" récolterait 51% des voix et "partir" 49%, selon une moyenne des sondages réalisée par le site www.whatukthinks.org.

Mais environ 20% de la population reste aussi indécise à un peu plus de trois mois du référendum.

Selon Caitlin Milazzo, de l'Université de Nottingham, "une grande proportion des personnes qui se décident à la dernière minute ont tendance à voter pour le statu quo".

Pour Matthew Goodwin, professeur de sciences politiques à l'université du Kent, "le réflexe instinctif de la nation est de voir le Brexit comme une option risquée".

Avec AFP