Brexit : les négociations s'enlisent, la facture au coeur des divergences

Le coordonnateur du parlement européen sur le Brexit, Guy Verhofstadt, lors d’une réunion à Bruxelles, Belgique, 30 août 2017.

Européens et Britanniques se sont rejeté mutuellement jeudi la responsabilité du peu de progrès réalisés dans les négociations du Brexit, qui butent principalement sur la question explosive de la facture de sortie du Royaume-Uni de l'UE.

Lancées lundi dans un climat tendu à Bruxelles, un troisième round de tractations s'est achevé jeudi sans percée significative, alors que l'horloge tourne pour organiser un divorce sans précédent programmé le 29 mars 2019 à minuit.

"Cette semaine nous avons apporté des clarifications utiles sur beaucoup de points", a déclaré devant la presse le négociateur en chef de l'UE, le Français Michel Barnier, qui avait vexé ses homologues britanniques lundi en les appelant à "commencer à négocier sérieusement".

"Mais nous n'avons enregistré aucun progrès décisif sur les sujets principaux" du divorce, a-t-il ajouté, détaillant en particulier les difficultés des discussions autour du "règlement financier" du Brexit.

A ses côtés, son homologue britannique David Davis s'est voulu moins négatif. "Nous avons vu quelques progrès concrets", a-t-il affirmé.

Mais il a déploré que "l'approche britannique (soit) significativement plus flexible et pragmatique" que celle de l'UE, qu'une source gouvernementale britannique a accusé il y a quelques jours de "traîner les pieds" en s'arc-boutant sur des principes.

- Jusqu'à 100 milliards -

Les 27 pays qui resteront dans l'UE ont fixé trois priorités absolues à négocier avant toute chose : la facture que devra honorer le Royaume-Uni en quittant l'Union, le sort des citoyens européens sur le sol britannique et l'avenir de la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord.

Ce n'est qu'à condition d'avoir accompli des "progrès suffisants" dans ces domaines qu'ils accepteront de discuter, dans une seconde phase de négociations, de la "relation future" avec le Royaume-Uni, notamment sur le plan commercial.

De son côté, Londres voudrait entamer cette seconde phase en parallèle le plus rapidement possible, faisant valoir que les modalités concrètes du divorce sont indissociables de ce que sera cette "relation future".

Lors de ce round de négociations, le Royaume-Uni a présenté pour la première fois sa propre analyse juridique de la facture que le pays devra honorer en quittant l'UE.

"Après cette semaine, il est clair que le Royaume-Uni ne se considère pas légalement obligé d'honorer" certains des engagements financiers à long terme que l'UE lui demande de respecter, a regretté M. Barnier, citant par exemple des soutiens financiers convenus pour le développement de pays africains.

"Il existe encore des divergences à surmonter", a reconnu M. Davis, mais "nous avons un devoir envers nos contribuables !".

Le solde de tout compte que devra verser le Royaume-Uni pour honorer ses engagements financiers au sein de l'UE est officieusement évalué côté européen entre 60 et 100 milliards d'euros, alors que Londres refuserait de payer plus de 40 milliards selon la presse britannique.

A défaut d'un montant chiffré, les négociateurs européens souhaitent parvenir le plus rapidement possible à une méthode de calcul acceptée par les deux parties.

-'Nostalgie'-

Outre la question financière, M. Barnier a aussi souligné qu'il restait une forte divergence au sujet de la compétence de la Cour de justice de l'UE. Les 27 demandent qu'elle puisse contrôler le respect des droits des expatriés européens au Royaume-Uni après le Brexit, ce que refuse Londres.

Le chef de file des négociateurs européens a aussi ironisé sur les propositions faites par ses homologues d'avoir une période de transition post-Brexit pour que le divorce ne soit pas trop brutal, disant y voir déjà "une sorte de nostalgie" de leur appartenance au marché unique.

Seule avancée notable, selon M. Barnier, des discussions "fructueuses" sur le sort incertain de la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord après le Brexit.

"Nous sommes loin de constater des progrès suffisants pour pouvoir recommander au Conseil européen (les dirigeants des 27, ndlr) d'engager des discussions sur la future relation entre le Royaume-Uni", a-t-il finalement résumé.

Dans son agenda idéal, il avait souhaité pouvoir engager dès l'automne des tractations sur ces futures relations commerciales, mais ce calendrier est de plus en plus remis en cause par la lenteur des négociations.

Au moment même où se terminait ce troisième round, le président de la Commission Jean-Claude Juncker a reçu jeudi l'ancien Premier ministre travailliste Tony Blair, opposant du Brexit. Il ne faut y voir "aucun complot", avait insisté un porte-parole de l'exécutif européen.

Avec AFP