Au Burkina Faso, pays de 20 millions d'habitants parmi les plus pauvres de la planète, près de 40% des décès d'enfants de moins de 5 ans sont attribuables à la sous-alimentation et près d'un quart d'enfants souffrent de retards de croissance, selon des données fournies par la Fondation Gates.
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"Si on s'intéresse aux enfants dans un pays et si on veut qu'ils atteignent leur potentiel maximum, alors ils ont besoin d'être nourris correctement", souligne Melinda Gates lors d'une visite cette semaine à Ouagadougou.
"C'est un domaine où les gouvernements n'ont pas toujours fait les bons investissements", estime-t-elle, prônant notamment l'allaitement maternel exclusif dans ces zones où l'eau est souvent impropre à la consommation.
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"Si on fait les bons investissements en s'assurant que les populations savent allaiter et nourrir leur enfants correctement, des investissements dans l'eau et les installations sanitaires, alors ces enfants pourront sortir de ce cycle de malnutrition. C'est possible!".
"Si l'allaitement n'est pas exclusif dès la naissance et qu'on donne de l'eau (...) qui n'est pas propre malheureusement (...) l'enfant ne se développe pas correctement", explique-t-elle, rappelant que sans une alimentation suffisante, il est impossible de bien étudier ou de bien développer son cerveau.
Elle insiste aussi sur la bonne alimentation des mères pour qu'elles puissent donner naissance à des enfants sains.
Au cours de ces deux dernières années le gouvernement burkinabè a engagé plus de 50 milliards de francs CFA (100 millions de dollars) de fonds nationaux pour des soins gratuits envers les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans.
Le Burkina Faso a sollicité un appui sur certains points importants évoqués avec le président, rappelle le docteur Nicolas Meda, ministre de la Santé.
"Le premier point, c’est par rapport aux hépatites virales. Dans le sud-ouest du Burkina Faso, la prévalence approche 14%", explique-t-il.
"Le deuxième point; le cancer commence a devenir un problème dans la sous- région parce que ce sont les femmes qui sont le plus concernées à travers le cancer du col de l’utérus, le cancer du sein", souligne-t-il.
"Elle a dit qu’elle accompagnerait surtout la vaccination des jeunes contre le papilloma virus, le virus qui entraine le plus le cancer du col de l‘utérus", a confié le ministre.
L'importance de la contraception
Soulignant le lien entre "nutrition et agriculture", Mme Gates est convaincue qu'il faut favoriser le développement des activités agricoles des femmes et notamment les aider à développer leur cheptel de volailles. "Plus de 90% de la population au Burkina Faso travaille dans l'agriculture. Beaucoup sont des femmes et la plupart d'entre elles ont des volailles".
"Elles peuvent évidemment utiliser la volaille pour nourrir leur famille, mais elles peuvent aussi utiliser le revenu additionnel de la vente de poulets au marché pour acheter d'autres éléments nutritionnels pour nourrir leurs enfants et surtout leurs bébés" ainsi qu'"utiliser les oeufs comme complément alimentaire", explique Mme Gates.
"Quand on commence à sortir de la pauvreté, on change ce qu'on donne à manger à ses enfants", souligne-t-elle.
Mme Gates, dont la fondation est particulièrement active dans le domaine de la planification familiale, continue à plaider pour un meilleur accès des femmes à la contraception.
La fondation a ainsi alloué 10 millions de dollars à des programmes de contraception, qui doivent permettre aux femmes de planifier et d'espacer leurs grossesses.
"Si les femmes n'ont pas accès à la contraception, elles sont enfermées dans un cycle de pauvreté. Quand une femme a plusieurs enfants à la suite, elle ne peut pas bien les nourrir, ils ne grandissent pas correctement et la famille n'a pas les ressources pour les éduquer", souligne-t-elle.
"A l'inverse, si les femmes apprennent à espacer de 3 ans les naissances de leurs enfants, ceux-ci auront plus de chances de fêter leur 5e anniversaire (...) Ca leur donnera aussi plus de temps pour les champs ou obtenir un travail et ainsi participer à l'économie", dit-elle.
"On sait que les pays qui sont passés d'un revenu faible à un revenu moyen sont passés par cette transition, par le fait de rendre les contraceptifs largement disponibles à leurs populations", assure-t-elle.
Il faut éduquer et faire accepter la contraception : "Il faut passer par les leaders religieux et traditionnels. Nous devons éduquer les maris souvent en premier et les belle-mères si elles vivent dans la cour. Les femmes sont soumises à une pression sociale. Mais quand, par exemple, un mari comprend que ses enfants seront en meilleure santé s'il laisse sa femme espacer les naissances, s'il voit que sa femme se porte mieux et qu'ils ont plus de moyens pour leurs enfants (...) le nombre d'enfants diminuera naturellement", estime Mme Gates.
"Si les moyens de contraception sont largement mis à disposition et si les femmes sont éduquées, alors on peut voir le dividende démographique porter ses fruits", promet Melinda Gates.
"Une femme qui prend cette décision ça change la famille, ça change la communauté et finalement ça change le pays! Nous avons vu ça partout dans le monde, en France, aux Etats-Unis, au Pérou, au Bangladesh et dans beaucoup de pays d'Afrique", conclut-elle.
Issa Napon, correspondant à Ouagadougou