Les Etats d'Afrique de l'Ouest ont indiqué suivre "avec une grande préoccupation" l'évolution de la situation au Burkina Faso, "caractérisée" depuis dimanche "par une tentative de coup d'Etat".
"Le président Kaboré, le chef du Parlement (Alassane Bala Sakandé) et des ministres sont effectivement aux mains des soldats", à la caserne Sangoulé Lamizana de Ouagadougou, a déclaré à l'AFP une source sécuritaire, information confirmée par une autre source au sein des services de sécurité.
Mais une source gouvernementale a ensuite affirmé que le président avait été "exfiltré" de sa résidence dimanche soir par des gendarmes de sa garde "avant l’arrivée d’éléments armés qui ont tiré sur les véhicules de son convoi".
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Un journaliste de l'AFP a vu dans la matinée près de la résidence du chef de l'Etat trois véhicules criblés de balles. Des traces de sang étaient visibles sur l'un d'eux.
Selon cette source, "la situation est confuse", une confusion alimentée par l'absence à la mi-journée lundi de toute déclaration de la part des soldats mutins ou de proches du chef de l'Etat.
Sur le compte Twitter de M. Kaboré, un message posté en début d'après-midi, dont il était impossible de savoir s'il avait été écrit par lui directement, ni dans quelles circonstances, invite "ceux qui ont pris les armes à les déposer dans l'intérêt supérieur de la Nation". "C'est par le dialogue et l'écoute que nous devons régler nos contradictions", ajoute-t-il.
Au pouvoir depuis 2015, le président Kaboré, réélu en 2020 sur la promesse de faire de la lutte antijihadiste sa priorité, était de plus en plus contesté par une population excédée par les violences jihadistes et son impuissance à y faire face.
Reveillés avec des tirs
Dimanche tôt le matin, les Ouagalais se sont réveillés avec des tirs nourris dans des camps militaires. Mutinerie ou tentative de coup d’Etat? On ne sait toujours pas.
"Depuis 4 heures du matin nous sommes à la maison on entend des tirs. Nous sommes sortis pour voir. Ils ont dit que c’est un coup d’Etat. Tout le temps quand on sort pour manifester on ne nous donne pas le droit de manifester. Pourtant ce sont nous qui sommes sortis marcher pour que eux ils viennent au pouvoir. Le pays ne fait que sombrer. Ça tue partout. Les civils, les militaires. On est derrière nos forces de défense et de sécurité. Nous soutenons les militaires. Qu’ils prennent leurs responsabilités. Le Burkina Faso n’est plus le Burkina Faso d’hier ni d’avant-hier", a confié ce riverain à VOA Afrique.
A la suite de ces questionnement, le ministre des armées, le général Aimé Barthélémy Simporé, avait expliqué dimanche à la télévision nationale, qu' "au petit matin, des tirs ont éclaté dans quelques casernes de Ouagadougou et dans d’autres villes. Cette situation est en train d’être suivie pour que nous puissions connaître les motivations réelles de ces tirs qui sont entendus. Je déments formellement. Le chef de l’Etat n’a pas été arrêté. Aucune institution de la république n’a été inquiétée. Ces mouvements sont localisés et tout est sous contrôle".
Des tirs ont continué dans la nuit de dimanche à lundi dans des quartiers de Ouagadougou, patte-d’oie, Gounghin, selon plusieurs riverains. Un hélicoptère a survolé les différentes zones. Dimanche soir, le président Kaboré avait instauré un couvre-feu de 20 heures à 5h30 du matin sur toute l’étendue du territoire national et ce, "jusqu’à nouvel ordre".
Les établissements scolaires sont fermés lundi et mardi, au regard de “la situation nationale marquée par des mouvements d’humeur dans certaines casernes”, a annoncé le ministre de l’Education nationale dans un communiqué.
La veille, Samedi, les rues de Ouagadougou ont été déjà très agitées avec des courses-poursuites entre des manifestants et les forces de l’ordre. La marche n’a pas été autorisée selon les autorités.
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"Moyens adaptés"
Le gouvernement avait reconnu des tirs dans plusieurs casernes, démentant "une prise de pouvoir par l'armée".
"Nous voulons des moyens adaptés à la lutte" anti-jihadiste "et des effectifs conséquents", ainsi que le "remplacement" des plus hauts gradés de l'armée nationale, a affirmé dans un enregistrement sonore parvenu à l'AFP un militaire de la caserne Sangoulé Lamizana, sous couvert de l'anonymat.
Des discussions infructueuses ont eu lieu entre les représentants des mutins et le ministre de la Défense, le général Barthélémy Simporé.
Le camp Sangoulé Lamizana de Ouagadougou où pourrait se trouver le président Kaboré est aussi celui où est incarcéré le général Gilbert Diendéré, proche de l'ancien président Blaise Compaoré renversé en 2014.
Le général Diendéré a été condamné à 20 ans de prison pour une tentative de putsch en 2015 contre le président Kaboré et est actuellement jugé pour son rôle présumé dans l'assassinat, en 1987, du président d'alors Thomas Sankara, icône panafricaine.
Le procès des assassins présumés de Sankara, qui devait entrer lundi dans la phase des réquisitoires et plaidoiries devant le tribunal militaire de Ouagadougou, a été reporté à une date indéterminée, selon une source judiciaire.
Dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique qui ont fait en près de sept ans plus de 2.000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.
Avec AFP.