Burundi : la délégation de l'UA rencontre Pierre Nkurunziza, l'opposition dubitative

Jacob Zuma, tête de la délégation de l'Union africaine en visite au Burundi, le 25 février 2016. (AP Photo)

La veille, les représentants de l'Union africaine ont rencontré des membres de l'opposition dont certains se sont dits déçus par la teneur des entretiens.

Les chefs d'Etat africains en visite au Burundi devaient rencontrer vendredi le président Pierre Nkurunziza, après des entretiens la veille avec des représentants de l'opposition qui ont insisté sur la nécessité d'organiser, à l'étranger, un dialogue incluant toutes les parties à la crise.

Dépêchée par l'Union africaine (UA), la délégation emmenée par le président sud-africain Jacob Zuma et composée des présidents mauritanien, sénégalais, gabonais et du Premier ministre éthiopien, est arrivée jeudi à Bujumbura pour tenter de débloquer la crise politique dans laquelle est plongé le Burundi depuis 10 mois.

Jeudi, les chefs d'Etat africains ont rencontré des responsables de partis politiques de l'opposition, les rares à ne pas être partis en exil.

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Reportage de notre correspondant au Burundi Christophe Nkurunziza

L'un d'eux, Charles Nditije, président de l'aile d'opposition du parti Uprona - une frange minoritaire de l'Uprona est au gouvernement - a fait part de sa déception.

"Nous sommes déçus car en écoutant le président Zuma, nous avons eu l'impression que ces chefs d'Etat sont venus conforter Nkurunziza dans son troisième mandat", a-t-il déclaré à l'AFP.

Le président Zuma a invoqué "le respect des décisions du Conseil constitutionnel dans un État de droit" qui avait entériné le troisième mandat, "puis il a également évoqué la nécessité d'un dialogue inclusif à l'extérieur du pays, sans toutefois envisager de pressions sur ce pouvoir", a rapporté M. Nditije.

Le président du parti d'opposition Frodebu s'est de son côté montré moins négatif, estimant que les leaders africains avaient compris la gravité de la crise.

"Je suis plutôt satisfait car de toutes façons, je n'attendais pas de ces chefs d'Etat qu'ils viennent ici pour chasser du pouvoir" le président Nkurunziza, a réagi auprès de l'AFP Léonce Ngendakumana.

"Dialogue avec les putschistes"

"L'important pour moi, c'est qu'ils ont compris que la crise burundaise est très profonde et qu'ils soutiennent le principe d'un dialogue sous médiation internationale et à l'extérieur du pays le plus inclusif possible, avec notamment ceux que le pouvoir appelle les putschistes", a-t-il expliqué.

Le Burundi est plongé depuis 10 mois dans une crise politique profonde, née de la volonté du président Pierre Nkurunziza de se maintenir au pouvoir pour un troisième mandat, qu'il a obtenu en juillet.

Les précédentes tentatives de pourparlers, sous l'égide de l'Ouganda, avaient échoué. Le gouvernement burundais refuse jusqu'à présent de discuter avec une partie de son opposition impliquée, selon lui, dans une tentative de coup d'Etat en mai 2015 et dans les violences actuelles.

La très grande majorité des représentants de l'opposition et de la société civile, qui avaient été en pointe dans la contestation contre le troisième mandat du président Nkurunziza, est actuellement en exil.

En se présentant pour un troisième mandat, le président Nkurunziza a violé la constitution ainsi que l'accord d'Arusha qui mit fin à la guerre civile entre 1993 et 2006 (300.000 morts), selon l'opposition, la société civile et une partie de son camp.

Les violences, désormais armées, ont déjà fait plus de 400 morts et poussé plus de 240.000 personnes à quitter le pays. Des organisations de défense des droits de l'Homme ont dénoncé l'existence de fosses communes, de nombreux cas d'exécutions sommaires et d'assassinats ciblés.

Le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) a appelé cette semaine la délégation de l'UA à "délivrer des messages dénués de toute ambiguïté au président Nkurunziza et à l'opposition armée".

De son côté, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a publié jeudi un rapport édifiant sur la répression toujours en cours, mais "à l'abri des regards", exercée par le pouvoir contre les personnes perçues comme appartenant à l'opposition.

Le rapport, litanie d'exécutions sommaires, de cas de torture et de disparitions forcées, dénonce également les violences accrues commises par des groupes de l'opposition radicale et appelle au déploiement d'une force de police internationale.

AFP