Des élections générales sous Covid-19 et sous tension au Burundi

Le président Pierre Nkurunziza, au centre, arrive à la conférence nationale du parti au pouvoir CNDD-FDD dans la province rurale de Gitega, au Burundi le 26 janvier 2020.

Le Burundi organise mercredi des élections générales sous tension et en dépit de l'épidémie de Covid-19 qui s'annonce comme le premier vrai défi du futur nouveau président, le sortant Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, ayant décidé de passer la main.

Le petit pays d'Afrique des Grands Lacs et ses 11 millions d'habitants tentent de sortir d'une crise politique meurtrière née de la candidature controversée du président Nkurunziza à un troisième mandat en avril 2015.

Contrairement à l’Éthiopie qui a repoussé ses élections d'août en raison du Covid-19, le Burundi a décidé de les maintenir coûte que coûte, à l'instar d'autres pays sur le continent (Mali, Bénin, Malawi).

Le Burundi, dont le gouvernement assurait qu'il était protégé par la "grâce divine", a pour l'heure officiellement recensé 42 cas positifs, dont un décès. Mais les autorités sont accusées par des médecins et l'opposition de cacher des cas de Covid-19, en les attribuant à d'autres maladies comme la pneumonie.

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Le Burundi n'a pas imposé le confinement de la population, au contraire de son voisin rwandais, et la campagne électorale a mobilisé des foules nombreuses, avec pour toute mesure de prévention quelques seaux d'eau et du savon.

Le gouvernement a même ordonné, sans donné d'explications, l'expulsion des quatre principaux experts de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) chargés de le conseiller sur l'épidémie, qui ont quitté le pays samedi.

- Un héritier -

Le pays, qui pourrait faire face à une crise sanitaire majeure, s'apprête à tourner la page Nkurunziza, dont les dernières années au pouvoir ont été marquées par des violations massives des droits humains qui ont fait au moins 1.200 morts, selon un bilan de l'ONU arrêté en 2017, et poussé à l'exil quelque 400.000 personnes au plus fort de la crise.

Ces violences sont imputées par l'ONU et les ONG de défense des droits de l'homme aux Imbonerakure, membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir (CNDD-FDD) mais aussi au redouté Service national de renseignement, à la police et dans une moindre mesure à l'armée.

M. Nkurunziza avait surpris en annonçant en juin 2018 qu'il ne se présenterait pas à sa succession, alors que la nouvelle Constitution tout juste adoptée par référendum le lui permettait.

Des sources internes avaient alors parlé d'une décision prise sous la pression d'un groupe restreint et très influent de généraux, tous issus de l'ancienne rébellion hutu aujourd'hui au pouvoir.

Le régime s'est donc choisi fin janvier un nouveau visage, le général Évariste Ndayishimiye pour porter ses couleurs à la présidentielle.

Homme du sérail à priori moins dur que son mentor Nkurunziza, dont il est présenté comme l'"Héritier", M. Ndayishimiye est favori du scrutin de mercredi au regard de la toute puissance du parti au pouvoir.

Mais la campagne a été âpre et son principal rival parmi les six autres candidats, Agathon Rwasa, a mobilisé les foules.

- Voler la victoire -

M. Rwasa est issu du plus ancien mouvement rebelle du pays (Palipehutu-FNL) dont il prit la tête au début des années 2000 et qui fut l'un des deux principaux groupes rebelles pendant la guerre civile burundaise (1993-2006) ayant opposé des rebelles hutu à l'armée, dominée par la minorité tutsi, et fait plus de 300.000 morts.

Aux yeux de la population hutu, qui représente 85% de la population, M. Rwasa a autant de légitimité à briguer la présidence que les chefs de l'ancienne autre rébellion, le CNDD-FDD, dont fait partie le général Ndayishimiye.

"Le peuple ne se laissera pas voler sa victoire", a averti M. Rwasa, tandis que le parti au pouvoir a déjà fait savoir qu'il n'envisageait rien d'autre que de gagner.

La campagne a été marquée par des violences dont s'est "alarmée" l'ONU, notamment des affrontements entre membres de partis rivaux et des arrestations d'opposants. Le 10 mai, une attaque à la grenade a fait deux morts dans un bar de Bujumbura appartenant à un Imbonerakure.

Le scrutin, qui sera arbitré par une commission électorale accusée par l'opposition d'être acquise au pouvoir, va se dérouler à huis-clos, le gouvernement ayant rejeté toute mission d'observation de l'ONU ou de l'Union africaine, qu'il accuse d'être proches de son opposition.

De leur côté, l'église catholique et la société civile indépendante ne vont pas déployer d'observateurs sur le terrain.

Le futur président aura fort à faire pour redresser une économie minée par la crise et que l'épidémie de Covid-19 vient encore affaiblir.

Le Burundi est classé parmi les trois pays les plus pauvres au monde selon la Banque mondiale, qui estime que 75% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, contre 65% à l'arrivée au pouvoir de M. Nkurunziza en 2005.

Le taux de chômage des jeunes est de 65% selon la Banque africaine de développement (BAD), et six enfants sur dix présentent un retard de la croissance à cause de la malnutrition.

M. Ndayishimiye en est semble-t-il conscient, lui qui a axé sa campagne sur l'éradication de la pauvreté et le développement du pays.

Quelque 5,1 millions de Burundais sont appelés à choisir leurs président, députés et conseillers communaux. Les bureaux de vote seront ouverts mercredi de 04H00 GMT à 14H00 GMT.